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« Lâché opérationnel » |
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Valérie André |
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...16 mars 1952.
Jour mémorable en vérité! Le poste de Bàt
Nao signale deux blessés graves. Seule à bord,
je dois aller chercher ces deux Vietnamiens. Le
GATac fait savoir qu'une patrouille de chasse
assurera la protection.
Santini et
Bartier me prodiguent les derniers
conseils tandis que je prépare mon voyage sur la
carte.
Les mécaniciens eux aussi sont aux petits
soins.
Prenant les
commandes, après avoir accompli scrupuleusement tous
les rites, je contacte la tour. Une jeep fonce vers
l'appareil, un officier en saute. Il fait des grands
signes, montre du doigt un gros sac. J'emporterai la
solde de la garnison du poste. La somme est
coquette. |
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La carte dépliée à côté de
moi, je décolle enfin. Il s'agit de tomber
exactement sur le point et je suis sûre d'y
parvenir. La partie sud du Delta m'est encore
inconnue mais, sur la carte, elle paraît sans
obstacle. Aucune erreur ne m'est permise. Je
contacte le Gatac Nord. "Torricelli,
Ventilateur appelle. Répondez." De terre,
l'on me confirme que la chasse me rejoindra
au-dessus de mon point de destination.
L'axe de sécurité que
suivent tous les appareils doit me conduire jusqu'à
Ke Sat. Le plafond n'est pas trop bas.
Bartier m'a longuement décrit la cathédrale qui
domine le gros bourg. Je l'aperçois, tout va bien.
Je pense à mon camarade et à ses recommandations.
Maintenant, je dois voler de poste en poste. Le ciel
se couvre et je ne suis qu'à deux cent pieds. Cette
région à l'apparence hostile m'est inconnue; je
répugne à perdre de l'altitude et ne veut pas non
plus m'enfoncer trop profondément dans la crasse.
Bien qu'ils demeurent sourds à mes appels, les
chasseurs ne doivent pas être loin. A intervalles
réguliers, je consulte ma montre. Au passage au
dessus du dernier poste, j'ai deux minutes de retard
sur l'horaire prévu. Bat Nao ne doit plus
être qu'à dix ou onze minutes de vol. "Chasse,
leader, Ventilateur vous appelle. Me recevez-vous?
Répondez." Toujours pas de réponse. Sans
doute en raison des mauvaises conditions
atmosphériques, les chasseurs ont-ils regagné leur
terrain?
Ce que je cherche
m'apparaît. Les panneaux sont en place, le fumigène
indique la direction du vent, un pavillon flotte en
haut d'un mât. Docile, l'hélicoptère vire, descend
vers le damier que forment des briques peintes à la
chaux et encastrées dans le sol. Tout doucement, je
pose l'appareil puis vérifie le blocage du pas
collectif et, sans couper le moteur, je mets pied à
terre.
A une cinquantaine de
mètres, j'aperçois un groupe de soldats et les deux
brancards. Une femme! L'ébahissement est peint sur
tous les visages. Et accoutrée! Mon chapeau de
brousse, mes lunettes, ma combinaison de vol, crème
tous les huit jours lorsqu'elle revient du
blanchissage, sont l'objet de tous les regards. Ils
osent enfin approcher; trop même à mon gré! Je suis
obligée d'intervenir: les pales tournent toujours et
le voisinage du rotor de queue peut être néfaste. A
l'apparition du sac qui m'a été confié, les visages
s'éclairent. La solde! Mais que vont-ils en faire
dans un endroit aussi déshérité? Enfin, puisqu'ils
ont l'air content... |
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J'ôte les couvercles des
paniers et fais signe aux brancardiers d'approcher
en baissant la tête à cause des pales. Les blessés
sont installés l'un après l'autre et je referme
moi-même les couvercles. A ma montre, comme prévu,
l'opération a duré cinq minutes. Parfait! Je suis
déjà installée aux commandes quand le chef de poste,
un grand barbu, me demande si je veux bien emporter
quelques lettres: un paquet attaché avec de la
grosse ficelle et qui contient au moins cinq kilos
de courrier m'est aussitôt tendu. Tout le monde
sourit. Si le courrier nous est parachuté toutes
les semaines, m'explique le barbu, par
contre, il y a plus d'un mois que nous n'avons rien
pu expédier. Un coup d'œil aux blessés, heureux,
semble-t-il, de gagner l'hôpital, un signe de la
main à tous mes spectateurs qui me saluent gentiment
et j'oublie tout ce qui n'est pas l'hélicoptère. Un
décollage en charge exige une attention précise.
J'accroche mes tours au maximum, tire doucement le
pas collectif et pousse le manche de pas cyclique
vers l'avant.
L'appareil s'élève, prend
de la vitesse et docilement vire à la lisière des
arbres, puis la franchit:
"Le départ est réussi. En route pour Hanoï!"
Les Vietnamiens ne doivent
pas être très lourds; cependant je ne cherche pas à
gagner de l'altitude, le plafond est trop bas. La
cathédrale, la route, Gia Lam m'apparaissent
tour à tour. Je prends du champ pour réussir une
belle approche que la tour de contrôle vient de me
permettre, et je me pose. L'équipe au grand complet,
m'attend devant le hangar.
Santini était
le seul à me faire confiance, les autres me
croyaient perdue.
Après avoir effectué deux
passages sur le poste de Bat Nao, la
patrouille de chasse venait de décréter que j'étais
introuvable. A bien y réfléchir, les chasseurs, à
moins qu'ils ne se soient trompés de poste, ont dû
survoler Bat Nao une première fois quelques
minutes avant mon atterrissage et revenir sur les
lieux après mon départ de la D.Z.. Nous en discutons et
Santini est de mon avis.
Quoi qu'il en soit,
lui dis-je non sans une immense satisfaction, la
preuve est faite, mes blessés sont là!
Extrait de l'ouvrage
"ICI VENTILATEUR" Valérie André |
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« Le temple bouddhiste » |
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Jean
Massière |
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H-19 n° 968
/ GH2 / P Adj Dubrulle (ALAT)
H-34 n° 93 JH / Pirate / 23
ème EH / escadron lourd 3/23
P Ltt
Mercier (AA)
Base
Aérienne Secondaire 143 Batna
Coup de
téléphone à l'infirmerie. C'est mon tour d' évasan.
Nous sommes toujours en alerte à 3mn pour être
rapidement sur le parking, prêts à embarquer, sans
savoir où nous allons! Je m'habille: combinaison PN,
bottes PN avec mes deux chargeurs dans les bottes
(chargeurs de MAT 49, calibre 9mm), munitions pour
mon pistolet MAC 50 et, éventuellement, pour une MAT
49 qui est dans le râtelier de l'hélico. je prends un
sac à l'infirmerie avec le nécessaire à perfusions,
les cocktails lytiques, Dolosal, Phénergan,
Largactil ou Hydergine, "sirettes" de morphine et
pansements multiples, le tout "piqué" dans
le vrac de l'armoire à pharmacie, car il ne fallait pas toucher aux lots
déjà constitués. En cas d'inspection ces lots
devaient être conformes à la liste complète!...
Ce petit
sac, est bien pratique car il permet de courir
facilement...
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Je suis prêt et file vers
l'appareil dont le rotor tourne déjà et le nombre de
tours augmente quand le pilote me voit courir... Je suis en
retard, jette le sac dans le cargo, monte
rapidement, agrippé par le mécano, et me voici... à
plat ventre! L'hélico est déjà sorti du périmètre de
sécurité et roule sur la piste. C'est parti! Je me relève, la
porte du cargo est toujours ouverte. On voit un autre
équipage courir, armé, pistolets en holster... puis plus
rien. Nous sommes au-dessus des montagnes, juste après
Batna. Par routine, je demande au mécano la destination,
histoire de détendre l'atmosphère, ce jour c'est: "RX 26". Je
ne suis pas plus avancé, ne sachant pas, au fond, où nous
allons et ce qui nous attend.
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Déjà le H-19 réduit sa vitesse, se pose dans
une zone dégagée derrière une petite
élévation de terre. Je saute, silence,
personne? C'est toujours pareil! Je m'avance
au-dessus du talus et vois à gauche des
buissons, couchés derrière, des soldats.
Voici ma destination! Je cours dans cette
direction, les soldats du 1er RHP sont en
position de tir, fusils lance-grenades
pointés vers le ciel. |
Le blessé est là,
les yeux hagards, il me regarde, pas un mot,
un peu de sang au niveau du cou. Je
comprends pourquoi il ne parle pas: une
balle lui a traversé le larynx de part en
part. Respiration stertoreuse, regard
interrogatif, je ne peux rien faire si ce
n'est le transporter à l'hôpital de Batna et
je demande de l'aide pour le porter car il
ne peut pas se lever. Personne ne veut
m'aider! On me fait comprendre qu'ils sont
"en opération" et qu'il leur est impossible
de quitter cette position (je saisirai le
pourquoi plus tard...). Me voilà donc
reparti vers l'hélico, au pas de course,
pour aller chercher un brancard et l'aide du
mécano. Celui-ci se fait un peu tirer
l'oreille mais me suit bientôt en courant
avec le brancard plié. Me voilà donc en
train de refaire le trajet pour la troisième
fois! De retour auprès du blessé, les paras
semblent interloqués de nous revoir? (une
fois encore je comprendrai plus tard...).
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Le
mécano, très coopératif, m'aide à charger le
blessé, Je demande à nouveau à deux paras de
nous aider car à quatre c'est plus facile.
Devant le mutisme complet des hommes, le
mécano se met devant, moi derrière et nous
voilà partis vers le H-19. Nous sortons du
talus en courant par un beau soleil, dans un
paysage magnifique de collines boisées.
Découvrant qu'il est difficile de courir
porteur d'un brancard, je cherche à
synchroniser ma course sur celle du mécano
mais trouve qu'il va vite et je me
concentre, ayant peur de tomber. Je suis
fatigué, rythmant ma respiration pour tenir
le coup, j'ai l'impression de participer à
une compétition sportive. |
Tout d'un coup
je suis tiré de mes pensées par des
bruits bizarres me donnant
l'impression d'être entré "dans un
temple bouddhiste", étant entouré de
bruits de gongs
harmonieux et variés, plus ou moins
longs et forts... Ils sont de plus
en plus nombreux et je pense avoir
des hallucinations auditives. C'est
sûrement le manque d'oxygène,
n'ayant pas l'habitude de courir,
surtout en altitude? Je ne trouve
que cette explication...
Je me
retourne. En effet des claquements
secs semblent se mêler à cette
musique, pas désagréable, au
contraire, et je pense que les paras
doivent tirer et lancer des grenades
pour nous couvrir.
Des bruits
plus sourds, plus lointains,
semblent se préciser. |
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J'ai encore la vision des paras, visage
contre terre et ne bougeant pas. Nous
courons toujours, tête basse pour voir où
poser les pieds de peur de trébucher. Je
redresse la tête et regarde le mécano qui
semble lever les pieds plus haut à chaque
pas. J'ai compris! Des touffes de terre
crépitent autour de nous. Bon sang! On nous
tire dessus. Je ne vois rien que ces fumées
de terre bien alignées en demi cercle à
notre gauche. Tantôt le demi cercle
s'éloigne, tantôt il se rapproche. J'ai
l'impression que nous tressautons comme des
pantins, que nous n'avançons plus, que ces
petits sauts sont dérisoires bien malgré
nous. Les
tirs sont maintenant très forts, réguliers
et pourtant plus éloignés. Plus de gongs
bouddhistes! Parfois des bruits sourds.
Quatre ou cinq. Je ne sais plus. Nous
courons. Les pales de l'hélico tournent
derrière le talus. Le rotor accélère. Nous
arrivons. Nous voici "jetés" tous les trois
dans l'appareil qui décolle à quinze minutes
environ de Batna, minutes qui me paraissent
très courtes... Nous nous posons déjà. Sur
le parking l'ambulance attend. Transfert de
blessé. Je me tourne et prends mon sac avant
de descendre. C'est fini! Pour ce matin...
Mais la main du mécano se pose lourdement
sur mon épaule, me tire en arrière. Il vient
d'apprendre par l'interphone qu'il y a un
autre accrochage dans le coin... |
Nous voici de
nouveau au-dessus de Batna.
Plus tard je
sus que "j'avais été volontaire"
pour cette deuxième mission. C'était
mon baptême du feu!
Je viens de
terminer la première mission de la
journée et commence à réaliser que
l'on s'est fait tirer dessus. Pas
question de peur mais une
interrogation plus ou moins
consciente: |
"La mort
était-elle là par cette belle
journée?" |
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Le
côté animal de mon corps l'avait ressentie
bien avant que mon cerveau ait analysé la
nouvelle situation dans laquelle je
commençais à plonger. |
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Nouvelle
mission; même scénario... Ou
presque! L'endroit est plus
montagneux et l'hélico se pose sur
une petite zone plate parmi les
rochers. Je distingue au fond d'un
ravin étroit cinq paras et un blessé
allongé sur le sol. C'est ma
destination. Pâleur livide, blessé
grave touché au ventre! Il faut
faire vite. J'ai apporté le brancard
et demande de l'aide pour le
transport de ce blessé. Toujours la
même réponse, plus précise cette
fois-ci: "Il y a cinq "fells" dans
le coin. On ne peut pas lâcher la
piste". J'explique la gravité de la
situation. D'évidence il faut faire
vite. Tout le monde est d'accord. Je
vais devant pour préparer la
perfusion. Ils amènent le blessé,
leur copain, avec beaucoup
d'attention, d'une façon presque
touchante mais personne ne le
remarque et ce n'est pas le moment
de s'attendrir. Me voici donc parti
avec un peu d'avance, seul dans le
maquis. Je cours et instinctivement
je pense à tout à l'heure mais ce
coup là je suis averti: il y a cinq
"fells" dans le coin.
Alors ma
course se fait sinueuse, contournant
les arbustes et cherchant à troubler
un tir éventuel. Me voilà en train
d'engager une balle dans la chambre
de mon P.A. et courant l'arme à la
main. Serais-je ridicule? Je pense
que les "fells" rigolent, étant dans
la ligne de mire de cinq fusils; je
suis foutu si derrière ce buisson il
s'en trouve un, il va falloir que je
tire dessus? Et je pense: c'est le
premier qui va tirer qui va gagner.
Suis-je capable de tirer?
Toujours le
même scénario. L'hélico attends, les
pales accélèrent à ma vue. |
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Il ne
faut pas traîner. Le mécano
me regarde avec les yeux
écarquillés. Je ne comprends
pas pourquoi, et puis je
réalise qu'il m'a vu
arriver, P.A. à la main et
courant comme un homme ivre.
Peu importe! Je prépare la
perfusion, le brancard est
là, perfusion en cours. On
décolle. Déjà Batna! Poser
sur le parking, ambulance,
transfert... Fini pour ce
matin!
J'arrive à l'infirmerie, une
"Fillod" au long couloir
noir. La chambre est au fond
à gauche; ce couloir me
paraît très long et j'ai
toujours cette sensation.
Petite raie de lumière sous
la porte. J'ouvre. La
chambre? mon lit à gauche;
mon champ visuel se
brouille, j'ai les jambes en
coton et tombe sur le lit,
de dos, les bras en croix,
jambes par terre. Je crois
que j'ai eu très peur. Je
suis flou, regarde le
plafond et commence à me
sentir bien. Plus rien
n'existe que cette chambre
et: "Je suis en vie!"! |
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Le capitaine
arrive. Il se veut autoritaire:
"Vous allez me faire le plaisir
d'aller vous doucher. Vous avez
l'air d'un boucher couvert de sang.
Vous êtes ridicule". Il n'a jamais
su combien sa voix me parut
paternelle et presque affectueuse,
un peu comme celle d'une mère qui
gronde son enfant. Me voilà donc
douché, propre. Il est environ midi,
heure du repas au mess. J'ai ma
cravate, les "Pataugas" sont
propres; rien à voir avec les
activités de ce matin.
C'est
ça l'Armée de l'Air! Après
les missions on se retrouve
dans l'ambiance presque
feutrée du mess. |
A
peine entré, se présente en
combinaison de vol et
blouson fourré,
Mercier, le pilote
du "Pirate"
qui nous accompagnait.
Mercier? Grand
garçon sympathique qui
traîne une jambe, séquelle
de blessure par balle,
atteinte de sciatique, au
cours d'un héliportage. Il
entre tout souriant et, avec
un grand rire, déclare à
l'entourage: "Je n'aurai
jamais cru qu'un appelé, et
en plus médecin, pouvait
courir si vite!" et,
toujours en riant me dit:
"Je crois que tu peux
m'offrir l'apéro!". Je
m'exécute et devant mon air
étonné il raconte. |
"Nous
avons décollé derrière vous
avec le "Pirate" et vous
filiez comme des lapins. Le
P.C. Air nous avait donné
comme instructions de vous
accompagner pour appui-feu
car ça bardait là-haut.
Lorsqu'on est arrivé, on t'a
vu descendre de l'hélico et
partir en courant. Nous
avons pensé: "Gonflé
l'aspirant!". Puis le
copilote m'a dit: "Peut-être
qu'il n'est pas au courant.
Merde! On lui tire dessus".
Tu as bien fait les choses
en passant trois fois devant
leur nez.. Il faut avouer
qu'ils étaient patients et
fins limiers car ils ont
attendu que vous soyez
freinés par le brancard
avant de tirer. Ils étaient
huit, appuyés sur le bord
d'un oued avec les P.M..
Heureusement pour vousn,
avec des fusils c'eût été la
catastrophe." |
Ainsi
je découvre la réalité. Les
"gongs bouddhistes"? Des
tirs des P.M. dont les
balles s'écrasent sur les
cailloux et dont les tirs
devenaient de plus en plus
précis. L'action du "Pirate"
les a obligés à se déplacer,
ils se sont couchés sur le
dos pour lui tirer dessus
(dessous?...) puis sont
revenus pour nous aligner.
La 12,7 de bâbord a tiré et
fait mouche presque tout de
suite, le tireur étant un
des meilleurs de La Réghaïa.
Les "fells" sont alors
partis en courant dans
l'oued. La 12,7 a
recommencé. Un "fell",
voyant la situation
désespérée est revenu pour
nous tirer dessus.
Mercier me précise:
"Celui-là t'en voulait
particulièrement!". Le
"Pirate" a fait un virage,
il devait être très bas. Le
tireur a changé de côté,
venant au visuel tribord, a
pris le canon de 20mm et
terminé l'action d'un obus
de 20 dans la poitrine. Le
dernier"fell" s'est
volatilisé projeté à plus de
50 m.
Je
suis abasourdi par le récit
plus riche de détails. Je
l'avais "échappé belle"!
L'après-midi Mercier
m'a présenté au tireur. Un
jeune blond, les yeux
rieurs.
A
l'époque ce n'était là que
du "maintien de l'ordre".
Pour l'appelé, c'était
"autre chose"...
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« RX 43 » |
Jean Massière |
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H-34 n° 103 DN / Cargo / 23ème EH /
escadron lourd 3/23
PCA Ltt Gilbert Guizol
(AA)
Ce premier
avril 1961,
arrivée à la tombée de la nuit vers 18
h...
Une unité de
parachutistes de la légion, le 2ème R.E.P., est en
vue; l'hélico se pose derrière une levée de terrain
qui protège la zone. Derrière cette petite colline,
plusieurs sections de légionnaires, bérets verts
enfoncés jusqu'aux oreilles, se regroupent. Devant
nous une vallée avec une couverture de forêts sur
chaque versant. Des bruits sourds dans le lointain?
Un B26 bombarde le versant droit. Un légionnaire
vient vers nous en courant: "Il faut s'éloigner de
la crête, elle est balayée par le tir croisé de deux
mitrailleuses fells." Les blessés sont derrière le
replis du terrain et toute tentative pour aller les
chercher s'est soldée par des blessés en plus. |
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Nous
rejoignons l'hélico en attente.
Deux
sections de légionnaires reçoivent des ordres d'un
adjudant, puis en petite foulée se séparent et vont
vers la forêt sur la droite. Impressionnant ce
départ au combat!... Bientôt ils disparaissent dans
la forêt.
Au loin
quelques tirs sporadiques d'une arme automatique
lourde, puis à nouveau le silence de la forêt. La
nuit est tombée. Les blessés arrivent. Examen rapide
pour sélectionner les plus touchés... Mise en place
des perfusions, des pansements...
Les rotors
accélèrent, c'est le retour rapide vers l'hôpital de
Batna.
Pendant le
trajet, un légionnaire blessé me dit: "J'ai gardé
l'espoir, car la légion n'abandonne jamais ses
morts" |
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Mort d'une
Infirmière Pilote Secouriste de l'Air |
Norbert Huby |
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Le
29 novembre 1957, à l’EHL 1/58, partie de l’EH 3 de Boufarik une
évacuation sanitaire se déclenche en fin de matinée. Dix blessés à
aller chercher en MY45.01 soit sur les tous premiers contreforts de
l’Atlas, plein sud d’Alger. Sans autres informations et si près
d’Alger, nous pensons « encore un camion qui est tombé dans un
ravin ».
Benoît de Coignac Norbert Huby
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Nous
embarquons donc tranquillement sans nos gilets pare-balles dans le
H.34 N° 354. le sergent Benoît de Coignac
en 1° pilote, moi-même le sergent Norbert Huby
2° pilote, le sergent Aubry mécanicien, le lieutenant
médecin Blanchet et une convoyeuse de l'Air
Jacqueline Domergue dite Jaïc.
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Jaqueline Domergue |
Lt Médecin
Blanchet |
Le
vol pour se rendre sur place a été très court et une fois de plus
les informations données avant le départ n’étaient pas bonnes et
insuffisantes car au lieu d’un camion tombé dans le ravin nous
arrivons en plein accrochage et les blessés étaient des blessés par
balles.
Habitués à ce genre de situation, nous nous posons quand même, mais
compte tenu de l’escarpement du lieu, sans pouvoir bénéficier d’un
repli de terrain, donc en pleine lumière sur une petite ligne de
crête en regrettant d’avoir laissé les gilets pare-balles à la base.
Bien
entendu nous gardons le rotor tournant et avertissons le cargo de
faire vite. Les premiers blessés sont embarqués rapidement et là
comme au cinéma, nous avons vu face à nous sur le petit sentier de
la ligne de crête un alignement des petits geysers de poussière
levés par les impacts d’une arme automatique. Il était temps de
s’échapper. Le sergent Benoît de Coignac alors aux
commandes a arraché le H.34 du sol et nous a mis hors de portée avec
bien entendu l’intention de revenir lorsque les conditions seraient
meilleures.
Avec
le H.34, en se penchant et en regardant sous le siège, nous avions
la possibilité de voir dans le cargo. Et là j’ai vu un corps allongé
en combinaison donc un membre de notre équipage. Le sergent
Aubry nous a alors averti que la convoyeuse avait été
touchée. Nous n’étions guère qu’à une dizaine de minutes d’Alger
donc à pleine vitesse nous avons mis le cap vers la DZ Marcel
Cerdan, l’héliport de l’hôpital Maillot.
Nous n’avions pourtant pris que deux balles, malheureusement, la
convoyeuse Jaïc Domergue avait été touchée en pleine
tête et est décédée au cours du vol.
Jaïc Domergue
avait 33ans, pilote, infirmière, parachutiste, deux séjours en Indochine
dans le corps des IPSA, Port Saïd, l'Algérie. Elle passait ses
permissions à réussir des records, championne de France féminine de
saut en parachute, grande spécialiste des figures.
Chevalier de la Légion d'Honneur, titulaire de la
Croix de Guerre des T.O.E. (Indochine) et de la Croix de la Valeur
Militaire.
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Voir
aussi :
http;//domergue.jean.free.fr/genesite/jaic.html |
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Paroles d'Evangiles |
Sabine
d'Ornant |
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Sabine d'Ornant et Buob
Demande d'évacuation sanitaire
à 7 heures du matin, sur un piton.
- Bien sûr, un
froid de gueux - A l'arrivée on nous dit que
le blessé ne serait là que dans une heure et gelés
nous nous engouffrons dans une cabane de berger. Là
nous dérangeons visiblement un caporal en train de
lire; notre Mécano, un ch'ti surnommé "Capparguette",
lui demande ce qu'il lit...
_ Que
veux-tu qu'intéresse un apprenti curé en ce Vendredi
Saint? La Passion selon Saint Matthieu bien sûr!
_ Lis tout
haut!
Bien que
furieux il s'exécute...
Rentrés à bord
de l'hélico, notre Mécano s'assied à côté de moi.
_ Vous y
croyez, Miss, à l'histoire du bon larron?
Sur ma réponse
affirmative - Abîme de réflexion...
Une demi heure
plus tard nous nous posons sur le lieu d'un violent
accrochage. Une vingtaine de gars au tapis; il faut
trier ceux à évacuer d'urgence, ceux à panser de
suite...
Notre Mécano
m'accroche:
_ Venez vite,
Miss, il y a un type de 20 ans qui va mourir et il a
vachement peur.
_ Il a votre
âge, dites-lui ce que vous voudriez qu'on vous dise.
Dix minutes
après il revient vers moi:
_ Et bien je
lui ai dit que si on mourait le Vendredi Saint, on
allait au Paradis tout droit ...
Et s'il se réveillait
demain, pas mort... Y'serait drôlement déçu le gars. |
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Pâques à Boufarik |
Sabine
d'Ornant |
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Une énorme
opération en cours, commandée par le général de
Maison-Rouge amènera la mort d'Amirouche.
Si nous avions
cette année là un printemps de rêve, les nuits
étaient encore très fraîches, en dessous de 0° en
altitude. La nuit, pas question de dormir plus d'une
heure. Évasan à 21 heures, couchée à 23 heures,
réveil vers minuit par la 2CV de l'infirmerie, re-belotte
à 4 heures du matin et cela pendant une dizaine de
jours.
C'est par une nuit particulièrement froide que le
H-34 se posa au milieu des légionnaires sacrément
allumés. Un tri rapide pour emmener les plus
urgents. Parmi eux, un commandant de la Légion,
adoré de tous. Ses hommes l'entouraient, les larmes
aux yeux: "Vous le sauverez n'est-ce pas?"
Je n'étais pas là pour le
sauver, mais j'avais une demi heure jusqu'à
l'hôpital Maillot, à Alger, pour l'empêcher de
mourir et surtout, en le déconnectant, lui permettre
d'affronter immédiatement l'opération qui le
sauverait peut-être. Il était complètement raide,
peut-être à cause du froid terrible; la tension
était imprenable, mais il me parût sentir un pouls.
Une déconnection. Peut-être, je ne m'en souviens
plus, ais-je pu installer une perfusion de sérum
glucosé? Mais toujours est-il que, sincèrement,
j'eus bien peur de confier un cadavre à l'ambulance.
Ce fut l'opinion de l'infirmier qui voulu me le
refuser, prétendant (à juste titre) que jamais
Maillot ne voudrait d'un mort.
"Vous n'êtes pas médecin, moi
non plus. Nous ne sommes habilités ni l'un ni
l'autre à faire un constat de décès. Laissons lui la
chance qu'il a peut-être encore".
De retour à l'infirmerie,
après évacuation des autres blessés, compte rendu en
pleine nuit (l'horreur) des différentes blessures et
des soins accordés; après le nom de mon pauvre
commandant j'ajoutais "DCD?"
Après cette nuit si reposante,
je me pointe à la limite permise pour le petit
déjeuner.
Là, interpellation violente du
commandant de la base; un nouvel arrivé qui avait
beaucoup de mal à se faire admettre: "Mes
compliments, Miss, vos morts se portent bien!" Et il
me jette l'Echo d'Alger, où un gros titre annonçait
que le commandant avait subi, avec succès, une grave
opération au cours de la nuit. Il y avait pas mal de
chance qu'il s'en sorte. Moi, cette bonne nouvelle
me comblait de joie. Alors?
Mon Colonel venait de recevoir
un coup de fil incendiaire de son homologue
légionnaire: "Nous vous avons téléphoné cette nuit,
vous nous avez dit qu'il était mort et le
journal...".
Nous avons toujours eu, en
toutes circonstances, l'amitié indéfectible de nos
médecins. Ce merveilleux créole ne me déçut pas. Il
fila voir à l'infirmerie ce qui s'était passé.
Réveillé en pleine nuit, le malheureux infirmier de
garde ne vit pas le fameux point d'interrogation et
lut DCD.
De retour au mess, il fût
sublime:
_ Qu'on me passe ce Colonel de
Légion qui vous fait si peur!
_ "Alors, mon colonel, ça vous
ennuie vraiment que votre commandant soit encore en
vie? Ce devrait être un fameux jour pour la Légion
et au lieu de cela... Vous prépariez déjà ses
obsèques, peut-être? Si cette jeune fille, croyant
votre ami mort, l'avait abandonné à son sort, passe
encore, mais elle s'est battue jusqu'au bout pour
lui permettre de vivre. Vous devriez lui envoyer des
fleurs".
J'attends, bien sûr, toujours
les fleurs.
Mais est-ce une
coïncidence, le lendemain, au cours de rotations
particulièrement difficiles, j'eus l'occasion de
voir sur un brancard, le cadavre du colonel
Amirouche. Ce fellagha, chef légendaire, en
disparaissant portait un coup très rude à la
rébellion dans la région.
Un lieutenant de la Légion,
blessé au bras, décrocha une de ses étoiles de
commandement et me la donna... Je l'ai toujours. |
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Sabine
d'Ornant |
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Le départ des convoyeuses |
Jean-Jacques Prichonnet |
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Marie-Thérèse
Chabanne |
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Bernard
Voinier, Marie-Hélène Conant |
"Un après-midi la
convoyeuse lézardait au soleil, le dos d'une chaise calé
contre les tôles tièdes de l'infirmerie. Elle tenait un
livre à la main mais... lisait-elle les yeux au ciel?
Ils bavardèrent un
moment et lui annonça, sans qu'il en eût été préalablement
averti, le retrait définitif des convoyeuses. Leur
supérieure avait jugé inutile de tenir encore ce poste
puisque les médecins assuraient la presque totalité des
évasans.
Il n'avait aucune
hostilité vis-à-vis de ce corps d'infirmières navigantes,
ayant le grade d'officier, mais entre eux c'était un peu la
guerre, très courtoise certes. Pourtant, avec certaines
d'entre elles très attachées à leur fonction, il fallait
expliquer fermement son point de vue. Certaines cédaient
facilement leur place, d'autres la défendaient sans souci du
grade et sûres d'un droit que le passé leur octroyait.
Néanmoins il ne venait jamais à l'idée de Mercier
(1) ou de lui-même d'utiliser l'argument du sexe dit faible.
Personne dans l'Armée de l'Air, ne doutait d'une valeur
amplement prouvée. Il eût été mesquin de croire que les
blessés eussent préféré un médecin à ces infirmières
dynamiques et compétentes.
Les anciennes, connues
à Chypre (2), avaient pour certaines d'entre-elles "fait"
l'Indochine. Elles accomplissaient un devoir sous tendu par
le désir de servir "Dieu et le Roy" car, souvent, leur nom
s'ornait d'une particule et leur revers d'une médaille.
Cependant on ne pouvait déceler chez elles aucune
manifestation d'orgueil mais seulement la retenue et la
simplicité qui sied à des aventurières de l'humain.
Elles vivaient comme
les équipages, partageant le confort, très rustique parfois,
des escales et des camps avec une aisance due à leur origine
et qui ne s'apprend pas, mais d'autant plus facile à
conserver qu'elles savaient le respect dont tous les
entouraient."
Notes du webmestre: 1
- Lt médecin Jean
Massière (voir plus haut) ; 2 - Opération de
Suez |
Extrait de l'ouvrage "
ÉVASANS
Médecin en ALGERIE 1960-1962 " de J-J
Prichonnet |
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ÉVASAN de nuit |
René
Sliosberg |
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Ils m’ont
réveillé, sorti de mon sac de couchage. Il est 1h du matin.
Je commence à émerger dans la jeep qui, avec les deux
pilotes et le mécanicien, nous transporte à 800m vers la D.Z.
où sont stationnés nos appareils gardés par une compagnie au
repos de la 10ème
DP. Il fait froid. Je m’installe avec ma grosse boîte
d’urgence.
Les pilotes
sont au dessus du cargo. Le mécano est sur son siège près de
la porte. Le moteur est lancé dans un gros bruit très grave.
L’appareil commence à vibrer. J’ai sorti mon carnet de
fiches d’évacuation à remplir.
Nous décollons,
ne sachant pas où nous allons. Les casques, matériel radio
et gilets pare-balles sont réservés aux équipages. Le
médecin n’a droit à rien ! Il faut donc se lever, aller près
du mécano et hurler pour correspondre. Dehors il fait noir,
j’ai froid. La machine vibre et tangue. Je crois comprendre
que nous sommes en montagne.
A un moment
donné j’ai l’impression que nous tournons en rond. Geste du
mécano, nous sommes à la verticale du point de poser ; nous
descendons. Ça dure longtemps, très longtemps. Il y a des
lueurs, des points lumineux probablement des tirs d'armes à
feu. Je ne suis pas à l’aise. Alors, je m’occupe ; je
vérifie ma trousse d’urgence, essaie de remplir une fiche
mais ça secoue trop fort. Heureux l’équipage qui lui, au
moins sait ce qui se passe et s’occupe. Moi, je suis dans le
noir.
Nous
descendons, on se pose. Je vois le blessé. Ses copains
m’expliquent en hurlant de quoi il est atteint. Pas le temps
de s’éterniser. J’arrime le brancard avec le mécano, j’ai un
vague papier explicatif et on décolle. Je sais que nous
prenons la direction d'Alger, c’est plus loin que Bougie,
mais mieux équipé compte tenu de l’état du blessé. Il a une
balle dans la cuisse avec le fémur probablement fracturé. Je
n’ai pas le temps d’en savoir plus car nous décollons
immédiatement. Apparemment ça devait tirer très fort !
Le blessé n’est
pas trop mal, son pouls correct, sa tension au pouls
convenable ; je n’ai pas à toucher au pansement qui semble
bien fait. De toutes les façons que faire ? Dans un appareil
qui tangue et qui vibre (pas de pose de perfusion possible).
Il est bien enveloppé de couvertures. Il fait froid. Il me
sourit. Je surveille sans plus. Le mécano se lève, me
demande comment ça va, si la blessure est grave. Il en fait
part aux deux pilotes là-haut.
On vole
paisiblement dans la nuit noire avec la petite veilleuse
rouge de l’habitacle. Je suis assis à côté du blessé, le
mécano me demande si nous ne sommes pas trop secoués. Il
m'informe de l'heure d'arrivée à Alger.
Je ressens
alors une étrange atmosphère, c’est devenu paisible, je me
sens en phase avec l’équipage, extraordinaire cohésion,
chaleur humaine. Je regarde le mécano avec ses bons yeux
rassurants.
Nous nous
posons sur la DZ de l’hôpital Maillot où je reconnais un
copain médecin. Le blessé est débarqué ; je donne mes
papiers, nous repartons et très paisiblement je somnole
jusqu’à l’atterrissage sur notre DZ. C’est fini. Au sol,
commentaires avec un ton plaisant avec l’équipage qui
m’avoue avoir eu bien des difficultés techniques quand nous
nous sommes posés dans la montagne avec une mitrailleuse
ennemie très proche ! |
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Les mains de la gratitude |
Alain
Danest |
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Le téléphone sonne et
cela semble m'être destiné. J'ai le temps de prendre mon
conteneur et nous décollons. Destination inconnue, sauf des
pilotes. De la haut je vois le cadre de l'Évasan: un site en
forme d'entonnoir. Les parois sont tapissées d'une
végétation broussailleuse très dense; au fond, un espace
herbeux caché sous des arbres. Je distingue des hommes qui
semblent nous attendre. Arrivé à 2 mètres du sol je jette
une civière, saute aussitôt, la ramasse et part en courant.
Le coin me paraît malsain, peu propice à une villégiature
prolongée. Là-bas, on me fait signe de me baisser. Je
rejoins le groupe. A terre un combattant inconscient; pas de
blessure apparente. Je suis au milieu d'un commando de
chasse encadré par un adjudant béret vert du 1er REP. Un
homme se joint à moi pour porter la civière dans le cargo.
L'adjudant nous accompagne armé de son pistolet. Il me
demande si nous pouvons prendre également un prisonnier. Le
pilote commandant de bord donne son accord mais le
prisonnier refuse de monter; il paraît terrifié; l'adjudant
est obligé de lui mettre son pistolet dans le dos pour qu'il
se décide. Au moment ou je m'apprête à remonter dans
l'hélico, l'adjudant prend mes mains, les garde un moment
dans les siennes, et me dit toute sa gratitude parce que je
suis venu chercher son blessé. Je suis surpris et ému. Je
comprends à ce moment ce qu'est la fraternité d'armes. Je
viens d'avoir 25 ans, cet homme pourrait être mon père et il
me traite comme son fils. La façon dont il s'inquiète pour
son blessé me montre un chemin de fraternité que je ne
m'attendais pas à trouver chez ce baroudeur de la légion.
Le blessé toujours
inconscient s'agite énormément et risque de tomber sur le
plancher. La seule façon de l'immobiliser est de m'asseoir
sur ses jambes. J'ai du mal à prendre son pouls. Je lui fais
une piqûre d'un tonicardiaque dans la cuisse à travers le
tissus de son treillis et demande par radio la présence d'un
médecin à l'atterrissage. Le prisonnier est calme, il suit
des yeux tous mes mouvements. J'essaye de retenir une vie
qu'il a contribué à détruire; nous sommes assis face à face
dans un même cylindre de métal, il semble avoir le même âge
que moi et porte un treillis similaire.
Cette proximité avec
la mort et la vie, avec ces ressemblances qui cachent nos
différences me font ressentir, une fois de plus, l'absurdité
de cette Guerre. Serons-nous capables de faire la Paix? |
Extrait de l'opuscule "Un
chrétien dans la guerre d'Algérie" Alain Danest |
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