opération

 "SOCRATE"

19 et 20 janvier 1951

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le 19 janvier 1951. Décollage d'une patrouille simple, Jacquesson et Sauvaigo pour une mission de bombardement et de "straffing" dans la plaine des joncs en Indochine. 
Vers 18 heures, après leur objectif traité, les deux pilotes à bord de leurs "Hellcat" rejoignent leur base en survolant le Thap-Muoï lorsque Jacquesson annonce : "mon moteur déconne". Tout de suite la patrouille prend cap au sud pour rejoindre la route de Caï Lay mais presque aussitôt, la radio crépite et Sauvaigo entend : "mon moteur s'arrête". 
Mais Sauvaigo n'a plus de munitions et tandis que Jacquesson se prépare au crash, il prend de l'altitude pour prévenir Cambronne. La nuit ne va pas tarder à tomber, les recherches vont s'en trouver compliquées… Mais la radio de Sauvaigo fonctionne mal, et il est obligé de mettre au point son poste MMF et pendant une minute, environ, quitte Jacquesson de vue.
Et c'est pendant cette minute, que ce dernier touche le sol. Son taxi fait 180° sur lui-même, se casse en deux et commence à prendre feu. Lorsque son ailier, en vol, regarde, il ne voit personne sortir, ni aucune trace s'éloignant de l'avion. 
Aussitôt une patrouille composée de Taburet et Lieutard et un B26 se rend sur le secteur. Tous sont affirmatifs: "Personne n'a vu Jacquesson sortir de son piège", il a probablement brûlé dans l'avion. Mais en fait Jacquesson est sorti dès les premières secondes du crash de son appareil et est parti se cacher dans les herbes hautes toutes proches afin de ne pas se faire repérer par les troupes de Viets qui pullulent dans ce coin. Au GT 3, c'est le branle-bas de combat : en effet 5 Dakotas de l'Anjou qui reviennent du Nord s'apprêtent à charger des parachutistes pour aller rechercher la dépouille de Jacquesson. L'affaire n'est pas mince et c'est quasiment tout l'effectif des paras des alentours qui est mis sur les dents par le Commandant Portal chargé de mener la mission a bien. Pendant ce temps, un Siebel, qui tournait au-dessus de la zone est touché par la DCA et un pilote de l'escadron, Laucien, est touché par une balle dans le genou. 
A la nuit tombée, les avions rentrent et sur le compte-rendu d'accident est mentionné : "Jacquesson présumé mort".
Mais celui-ci est bel et bien vivant en train d'attendre dans la plaine des joncs de revoir les avions demain, persuadé qu'ils vont le récupérer, car pour lui, il n'y a pas de doute : ils l'ont repéré. La nuit fut dure et longue.
Enfoncé dans la vase pour avoir une impression toute relative de sécurité avec les Viets autour qui cherchent, avec les sangsues affamées de sang, les moustiques qui eux aussi n'ont pas été cléments envers le pauvre infortuné... 
Le lendemain matin, alors que ses camarades préparent les dossiers d'état civil et étudient la citation à titre posthume, Sauvaigo part en camion avec les parachutistes pour tenter un raid dans le secteur où Jacquesson s'est écrasé. Leur mission est de récupérer le corps ou quelques cendres de ce dernier.
Félix Brunet part en Siebel pour guider cette opération. Il survole la carcasse calcinée du Hellcat puis les parachutistes. C'est alors qu'un éclat lumineux atteint ses yeux. Il pense d'abord à la DCA. Fait demi-tour, revient vers l'avion et annonce à la radio : "Jacquesson, de l'avion, fait des signes avec le même miroir dont il nous faisait la veille une démonstration".  
C'est un miracle, la joie éclate à Tan Son Nhüt. Une patrouille simple, Lieutard et Guilllot, décolle pour protéger Jacquesson, le "Siebel" surveille, un B 26 en protection haute et un hélicoptère piloté par le Sergent Fumat de la Section d'hélicoptères de l'ELA 52 se dirige vers la plaine des joncs. Et c'est l'attente, tout le monde est suspendu à la radio pour suivre le sauvetage.
Un coup de champion diront ceux qui ont eu la chance de la suivre des yeux. A 10 heures moins dix, Jacquesson posait les bras dans l'hélicoptère à 1 mètre du sol tandis que les "Hellcat" mitraillaient autour pour neutraliser les Viets.
A 10 heures moins cinq, Jacquesson arrivait à entrer les jambes, l'hélicoptère à 50 mètres d'altitude tandis que Félix gueulait à la radio : "Faites gaffe les chasseurs, il n'est qu'à moitié rentré dans l'hélicoptère". 

C'est fini. A Tan Son Nhüt, on est presque joyeux. On se questionne sur l'état de Jacquesson. Ce dernier est à My-Tho en train de casser la croûte afin de paraître potable devant tous ceux qui l'attendent sur l'aire de la section de liaison à Tan Son Nhüt. Il y a le général Clausse, le représentant de l'agence France Presse ainsi que tous les reporters photos du groupe de chasse Normandie-Niémen. 

Après maints interrogatoires, éclats de rires, Jacquesson est enfin parmi ses camarades, tout étonné de se revoir ressuscité.
Il dira que s'il avait été au courant qu'il n'avait pas été repéré la veille au soir, il n'aurait jamais dormi. 
Et il s'interrogera longtemps sur ce que les moustiques peuvent manger là-bas quand il n'est parmi eux.
Il n'a même pas le temps de se poser. A 16 heures il assiste à un arrosage monstre au hangar en l'honneur 
de sa résurrection jusqu'à ce qu'il tombe de sommeil dans un fauteuil du bar.

Le 21 janvier, dès l'aube Mahé et Pichoff décollent avec les deux avions disponibles pour joindre l'opération SOCRATE.
Le but de cette opération était d'aller essayer de rechercher le corps de Jacquesson. Son but, maintenant, est de prévenir les troupes au sol de la récupération de ce dernier. Chose faite et "in extremis" car la carcasse du Hellcat grouille de Viets; les paras ne cherchent pas l'affrontement et redescendent vers la vallée sans se faire repérer. Sauvaigo, lui ne reviendra que le lendemain et racontera avec moult détails comment l'opération lui a permis de bien se rouler dans la boue. Son peloton a subi de nombreux accrochage mais ils s'en sont tirés avec honneur.
Heureusement qu'il était avec des commandos autochtones entre autres, qui se sont défendus comme des lions.
Et il conclu en contant quelle joie il a eu d'avoir le message lui annonçant la récupération de Jacquesson :
"Je n'y ai rien compris, mais qu'importe, j'étais drôlement content". 

Le rédacteur du journal de marche de l'époque finira de compter cette épopée de cette façon: "Que dire de plus,
sinon que cette aventure est unique, que certains en auraient fait un roman. On en parlera encore longtemps. 
Et il n'a pas eu tord d'écrire ces lignes en 1951, plus de 50 ans après l'on en reparle, car c'est la première opération de sauvetage avec un hélicoptère dont le "Neuneu" a bien malgré lui été le premier instigateur,le Normandie-Niémen avait inventé la SAR (Search And Rescue). Le 3 mars de la même année, une mission similaire de sauvetage se déroula avec le Cne Mahé. Et de nombreuses autres suivirent avec toutes autant de succès.

Accueil du Gal Hartmann à Tan Son Nhüt

Extraits de 

"La Gazette de l'association Normandie-Niémen" 

Le devoir de mémoire du Normandie-Niémen

Numéro 2 janvier 2002 

Récit du GdBA Joseph Risso et du LtC Gilles Perrone

Tan Son Nhüt

Hellcat du "Neuneu"

B-26

Siebel
"Crabe"

Bataillon parachutistes...

...déploiement dans le marais...

... bataillon Hoa Haos.

Compte rendu du Sgt Raymond Fumat

Le 19 janvier 1951, d'alerte, je reçois à 18 heures 00 l'ordre du GATAC de décoller en direction du secteur de My Duc Tay où le Lt Jacquesson du Normandie-Niémen vient de se crasher. On ignore s'il est mort ou vivant. A 18 heures 30 position sud-ouest de Tan An, je reçois l'ordre de retourner à Tan Son Nhüt, mission terminée, pas trace du Lt Jacquesson qui a certainement péri carbonisé dans son appareil. J'atterris à Tan Son Nhüt à 19 heures 15.

Toujours d'alerte le 20 au matin, je reçois l'ordre de décoller en direction du secteur de My Duc Tay où un Siebel de l'ELA 52 vient de repérer le Lt Jacquesson, bien vivant, à 200 mètres des restes de son appareil.

Je décolle à 8 heures 45, atteint My Tho à 9 heures 25; j'y laisse le mécanicien, fais les pleins et repars à 9 heures 30 vers My Duc Tay. Je suis sur l'emplacement de l'accident à 10 heures 00, repère le Lt Jacquesson, dans l'eau jusqu'à mi-cuisses, m'approche de lui, me mets à son niveau en vol stationnaire à quelques centimètres au-dessus de l'eau et il monte à mon bord. Dès qu'il est suffisamment bien installéet calé, je prends de la hauteur et rejoins My Tho où le Lt Jacquesson sera examiné à l'hôpital et restauré pendant que je faisais les pleins de l'appareil. Arrivés à 10 heures 55 à My Tho, nous repartions à 12 heures 30 et arrivions à Tan Son Nhüt à 13 heures 30.

Posé à Tan Son Nhüt le 20 janvier 1951 à 13 heures 30