histoires de
Pirates
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« Pirate de nuit » |
Bernard
Mahaut |
Un
après-midi d’avril 1961 à La Réghaïa, je suis convoqué au
bureau du 2/23 :
« Mahaut, vous partez avec le Cne Lassus (il commandait
l’Escadron) sur le Pirate n° 513 afin d’effectuer un essai
de tir de nuit » !!
??…
Voilà qui est nouveau, me laisse perplexe et un brin
dubitatif, déjà que de jour…
Après
tout, on verra bien, d’autant que les soirées sont encore un
peu fraîches pour l’apéro et les brochettes à la terrasse du
bar d’Aïn-Taya.
Et
nous voilà partis en banlieue d’Alger (Birmandreis) afin
d’équiper le H34 d’une espèce de batterie de projecteurs
plus ou moins orientable, installée à droite à hauteur de la
porte cargo.
Revenus à La Réghaïa avec deux ou trois « observateurs »,
nous attendons la tombée de la nuit et, avec un tireur au
canon, nous voilà partis vers la zone de tir (Oued Isser).
Arrivés à destination, allumage des projecteurs et ouverture
du feu sur des bidons de 300 L. remplis de sable.
Bon,
vu d’en haut, cela me paraît un peu farfelu car, si on veut
bien voir le but, il faut descendre mais la zone éclairée
est plus réduite et réciproquement. Par contre, nous devons
faire une belle cible…
Après
quelques rafales, retour au terrain (1h30 de vol quand
même…) où, l’enthousiasme général pour cet essai n’étant pas
de mise, on n’entendra heureusement plus parler de « Pirate
de nuit ».
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« Qui
va à la chasse… » |
Bernard
Mahaut |
En
cette fin d’après-midi de Juin 1961, retour d’héliportage en
n° 6 du D.I.H. « Carmin ». Le copilote étant aux
commandes en place droite, je jette un regard machinal sur
le Pirate qui, à l’écart de la formation, « grenouille » un
peu plus bas comme c’était souvent le cas.
Appel
dans les écouteurs : « Carmin 6 de leader » ! « Carmin 6,
cinq ! » (admirez la chronologie…) « Carmin 6, suivez le
Pirate ». Soit, léger break pour le rejoindre alors qu’il
s’écarte de la formation, perd de l’altitude et se met à
évoluer comme s’il cherchait quelque chose. Et il finit par
trouver ce qu’il cherchait, en l’occurrence un pauvre
sanglier ayant le malheur de se trouver sur sa route, (il
n’en manquait pas à l’époque pour les raisons que l’on
sait…) l’objet de notre présence étant d’aller récupérer la
bête une fois son sort réglé (au canon, en tir de proximité,
évidemment) dans le but d’améliorer l’ordinaire du D.I.H.
Posé
à proximité, en évitant les obstacles du terrain, où les
trois mécanos (nous emmenions deux mécanos spécialistes,
était-ce un hasard ?) ne furent pas de trop pour aller
chercher et hisser la bête dans le cargo avec l’aide du
copilote, tandis que le Pirate orbitait en protection
au-dessus de nous.
Après
avoir "redécollé", nous le rejoignîmes en rêvant par avance
d’un festin digne d’un célèbre Gaulois « un peu
enveloppé ».
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« Pirate surprise » |
Bernard
Mahaut |
Par
une chaude après-midi de juillet 1961, décollage de La
Réghaïa sur le Pirate n° 95, pour un entraînement tireurs.
Montée à deux ou trois cents mètres, cap à l’Est en longeant
la côte inhabitée au relief plongeant dans la mer.
N’étant pas encore dans la zone de tir, la digestion, l’air
calme, et le silence uniquement troublé par le ronronnement
du moteur, me font partir dans une douce rêverie,
brutalement interrompue par ce que je perçois comme une
formidable explosion. Pendant une fraction de seconde, la
deuxième peur de ma vie (avec un certain vol de nuit),
jusqu’à ce que mon œil droit ne perçoive presque
simultanément, les trajectoires lumineuses des traçantes
filant vert une petite vallée encaissée. Ouf ! Ce n’était
que les départs du canon...
Ai-je
eu une coupure momentanée d’interphone ? L’esprit vraiment
ailleurs ? Toujours est-il que je n’avais pas entendu
l’ordre de tir. Je me suis bien gardé d’en parler, ne
désirant pas être l’objet de remarques inconvenantes sur mon
supposé endormissement aux commandes…
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« Un trophée de Pirate ??... » |
Bernard
Mahaut |
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En cette fin de matinée de
juillet 1960 à La Réghaïa, direction le mess
sous-off situé dans une baraque métallique de
l’autre côté de la piste.
(plus tard on en aura un tout
neuf, sur les hauteurs de la Base… quelques mois
avant le départ définitif de l’Escadre !!...)
Ce jour là, je fais partie du
« D.I.H. Nomade ». Pour ceux qui l’ignorent, ce
D.I.H. est stationné à La Réghaïa en alerte
permanente pour des missions de courte durée dans
l’Algérois (parfois de quelques jours pour des
opérations plus lointaines). Les équipages sont donc
en tenue de vol, « holster » sous l’aisselle, casque
et carabine U.S. presque à portée de main.
A peine avions-nous entamé le
plat principal qu’un planton fait irruption dans la
salle : «Décollage immédiat du D.I.H. Nomade ».
Brouhaha de chaises repoussées, une dernière gorgée
de « rouge », le fruit dans la poche et la portion
de fromage dans un morceau de pain, direction la
sortie pour pas loin d’une vingtaine de gus sous
le regard interrogateur du reste des convives.
Environ une heure plus tard,
on se retrouve en « stand-by » dans un champ à
proximité de Brazza (localité à environ 80 kms au
sud d’Alger) où, pour tuer le temps (à défaut
d’autre chose)… l’un d’entre nous sort une petite
carabine de chasse ; et nous voilà partis à la
recherche d’un éventuel gibier, qui pour finir, se
matérialise par ce modeste trophée dûment plumé et
exposé par ce groupe au pied du Pirate.
Rassurons donc les âmes
sensibles, ce malheureux volatile n’a pas été abattu
– heureusement – au canon de 20mm auquel se
cramponne un des pilotes. (VOIR)
Un déplacement pour rien, le
soir même nous étions de retour à la Base, cette
pauvre alouette ayant probablement fini par échouer
dans la casserole d’un membre marié du D.I.H.
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Djebel Babor |
Michel
Berthelot et Georges Mialhe |
clic gauche sur la
photo
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Chefka - Nord
Constantinois |
Michel
Berthelot, Georges Mialhe,
Bernard Mahaut |
clic gauche sur la
photo
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« Mammouth
contre éléphant » |
Bernard
Le-Pluart et Gilbert Aubrée |
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Au
Tchad en juillet 1969, nos équipages d’hélicoptères n’avaient pas
tellement la « cote » dans les quotidiens de la presse
nationale. A vérifier, mais je crois qu’il avait été écrit
qu’ils étaient venus dans ce pays seulement pour faire du « safari ».
Pourquoi
safari ? Pour ce qui suit peut-être !
A
Mongo, préfecture du Guéra où avait été installé le détachement
d’hélicoptères du GMT 59, des villageois en appelèrent à la plus
haute autorité civile locale afin de lui demander d’intervenir de façon
à faire cesser les destructions répétées d'un troupeau d'éléphants
qui saccageait les cultures de mil, et qui plus est dans leur
aveuglement, ces pachydermes avaient provoqué la mort de deux adolescents.
Le
préfet de cette région contacta le Commandant du 2ème R.E.P.
qui était alors basé dans cette ville. l'officier prit contact avec le
patron des hélicos stationnés près du détachement de la Légion étrangère.
Après s'être succinctement informés de la méthode de chasse de ces
animaux, ces deux chefs décidèrent de monter un "safari hélico"
avec un pirate et un cargo emmenant un officier tchadien et des tireurs
du R.E.P.
Le
lendemain matin à la fraîche, un premier hélico est parti faire une
RAV afin de situer où pouvait se trouver le troupeau. Rapidement il a
été repéré près du village où il détruisait les plantations, au
pied de la montagne du Guerra. De la zone vie du camp de Mongo où nous
étions installés, la « ligne bleue » de cette montagne
ressemblait à une mara couchée (mara en tchadien veut dire femme).
Voilà le safari parti en fin d’après-midi, vers 16 heures 30 quand
la température avait sérieusement baissé, il arrive sur le village retrouve
le troupeau, par radio les deux CDB décidèrent de le forcer à s’écarter
du village et des cultures pour l’amener vers la pleine brousse où il
semblait être plus facile à intercepter et apeure celui-ci jusqu'à ce
que le plus vieux des mâles s'écarte des autres et attire les
chasseurs vers lui (Celui-ci tué, le troupeau ne reviendrait pas...
ndlr).Ainsi, lorsqu’il fut assez éloigné, le pirate se mit en
position de tir (comme dans le manuel !) et tira quelques salves
d’obus de 20 mm.
Touché
à plusieurs reprises, l’éléphant continua de s’ébrouer comme
auparavant, la trompe relevée et les oreilles immenses battant les côtés
de sa tête, il donnait l’impression de narguer les deux hélicos. En
tournant autour de la bête, l’équipage du pirate a constaté que les
obus explosifs avaient à peine fait de mal au cuir dur de son dos. Des
obus blindés auraient été plus efficaces. L’animal a quand même été
blessé sérieusement aux pattes et avait maintenant de plus en plus de
difficultés à se déplacer.
Toujours est-il que l'animal s'affaisse finalement en saignant beaucoup.
Les
hélicos se posent rotor tournant. Des membres d'équipage descendent
pour photos, films et constat de mort du bétail ... Quand celui-ci relève
la tête, affolement, retraite précipitée vers les H34 et redécollage
au plus pressé.
Mais
il fallait en finir au plus vite pour abréger ses souffrances. |
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La
nuit n’allait pas tarder à tomber et les deux hélicos devaient impérativement
rentrer à Mongo car ils n’étaient pas équipés pour le vol de nuit.
Par radio, les CDB en concertation avec le chef des légionnaires prennent
la décision de déposer non loin de l’éléphant, le tireur d’élite
et l’officier tchadien qui connaissent parfaitement la brousse.
Ceux-ci n’ont pas tardé à retrouver le solitaire et se sont approché
au plus près. Le tireur d’élite prit son temps, se mit en position
de tir, visa soigneusement la partie la plus vulnérable, juste derrière
la tête à la hauteur de l’oreille, et tira une cartouche. L’éléphant
s’est affaissé d’un coup.
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L'équipage
du cargo a récupéré rapidement le tireur d’élite et l’officier
tchadien. Puis accompagné du pirate, il sont parti en direction du camp
après avoir tourné autour de l’animal mort pour le situer géographiquement
sur une des vieilles cartes du secteur qui avait été donnée aux équipages.
Le
cargo rentre vers Mongo et il est convenu après le constat officiel de
décès que les villageois prennent la viande et les deux chefs prennent
chacun une défense pour leur unité. Ceci ne se fait pas sur le champ
car la nuit tombe. Le pirate rejoint la base de Mongo.
Le
soir, au mess, le tireur d’élite a été félicité par le Préfet du
Guerra, le commandant du camp ayant décidé d’offrir le verre de
l’amitié à cette occasion.
Le
lendemain matin de bonne heure, un H34 cargo a décollé avec les légionnaires
et l’officier tchadien pour essayer de récupérer les défenses de
l’éléphant. L’équipage en possession de la carte où avait été
noté la position de la bête, a pris la direction de l’endroit où
devait se trouver le cadavre de l’animal.
L’hélico
fit plusieurs RAV, tournant et retournant au-dessus de la zone ou était
sensé supposé être le solitaire : pas de traces de la carcasse.
Par le téléphone de bord, l’équipage, les légionnaires et
l’officier tchadien, se concertaient en cherchant des indices au sol
pour retrouver l’éléphant depuis la porte cargo.
...Plus
rien n'existe sur les lieux de la curée. Viande, défenses tout a
disparu....
Il
a été dit que pendant la nuit les villageois auraient dépecé entièrement
la carcasse, profitant ainsi de la viande et de l’ivoire, comblant
ainsi les pertes de leurs cultures de mil.
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« C'est
l'Afrique patron!... » |
Bernard
Lart |
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En Juin 1972 les
Sergents-chefs
Avizou et Davenel et les Sergents
Clerc et Vallies.
Après un long
périple à bord d’un D.C.6 et à peine débarqués sur la base
aérienne 172 ( N'Djamena ), ils perçoivent dans les locaux du G.M.T. 59:
carabine U.S. , pistolet Mac. 50 avec holster , micro-
laryngophone , casque et équipements ‘’P.N. ‘’ .
Une première nuit africaine dans l’ambiance de la capitale
tchadienne - avec un passage à la Boule rouge … - et c’est
déjà l’entraînement en vol qui débute au-dessus des étendues
de la brousse entourant la piste d’envol en terre battue et
les ‘’ boukarous ‘’ (12) de la base avancée de Mongo.
Dominant le tout ,la
montagne de ‘’ la femme couchée ‘’ , sert de camp retranché
à une colonie, militairement structurée , de singes
Cynocéphales ; ceux - ci semblent observer en connaisseurs
(13) les impacts de tir au sol du canon de 20mm servi à tour
de rôle par nos fusiliers-commandos tireurs.
Procédures identiques , dans la découverte de cette fonction
à bord des H34 Pirates , pour les contingents qui suivent :
Adjudant Courriole , Sergents-chefs Mourier ,
Lart ,Sergent
Grajwoda ;
Sergents - chefs Dura et Faucon, Sergents Gros et
Tadeuszack ;
Sergents - chef Gronoël et Pannetier, Sergents
Baldini et Bouery .
Les novices – jeunes et anciens – s’adaptent, très
rapidement au trafic des radios de bord et des autres
aéronefs, aux ordres des commandants de bord :
« Approvisionnez sur sécurité » « Armez canon … Paré canon
» « Objectif à 2 heures… Vu le Kéké » (14) - l’arbre en
boule tchadien… - « Demande de changement de tube (15 ) » «
Ampoule limaille …Autorotation… » .
Les opérations se succèdent aux scénarios identiques, avec
les plans séquences suivants : ‘’ straffing ‘’ des AD4 pour
‘’nettoyer ‘’ la zone de poser en vue de l’héliportage des
commandos ‘’ ficelles ‘’ (16) et débarquement en rotations
sous la protection des H34 Pirates en survol constant de la
région.
Mais l’Afrique , avec ses paysages grandioses et ses mythes
, dérègle quelquefois le bel ordonnancement prévu par les ‘’
Toubas ‘’ ou ‘’Nasaras’’ …
(12 ) Constructions rondes en pierre de taille avec toit
conique en chaume , où vivait le détachement
d’hélicoptères.
(13 ) En effet, quelques mois auparavant , sur demande des
autorités locales , un élément de la Légion étrangère avait
décidé d’éradiquer cette colonie de simiens ; mais les
cynocéphales avaient opposé une résistance à coups de
pierres avec replis suivis de contre-attaques sur les
flancs !
(14) Espèce d’acacias. Par ailleurs , Il est à remarquer que
chaque conflit où l’Armée française s’implique apporte son
lot d’expressions et de boissons nouvelles : - l’Indochine
avec ses Viets , diguettes et autres cuvettes ( Soda -
cognac) – l’Algérie avec ses Fells , djebels et carrés 4 X (
anisette ) – le Tchad , les Golos, Goranes et autres kékés (
mazout : coca + whisky ) – à Sarajevo les crossing , Ptt
building et autres sniping ( Slibovitch ) - . A l’aube du
XXI ° siècle cette tradition idiomatique va-t-elle
perdurer ? compte tenu de la brièveté des conflits et de la
‘’siglomanie ‘’ galopante.
(15) Obligatoire après 100 obus tirés. Cette opération,
consistait, en plein vol , à :
bloquer la tourelle ,s’équiper de protection aux mains ( les
morceaux de feutrine des caisses de grenades permettaient de
garder les gants ’’ p n’’ intactes ) ,se pencher à
l’extérieur de la carlingue *,prendre à deux mains le tube
du canon , le tourner d’ un quart pour retirer cette pièce
longue et lourde ( 20 kg ) et à bout de bras la rentrer à
l’intérieur de la soute pour reprendre le tube en ‘’spare’’
et effectuer la manœuvre inverse . * Petite précision le
tireur ‘’ travaillait sans filet ‘’ (sans câble de sécurité
et sans parachute de type Arz ) , seule la main du mécano-nav.
l’assurait !
(16) Attribuée par les militaires français, cette
appellation ironique désignait certaines unités de l’A.N.T.
où une corde de montagne avec mousqueton remplaçait le
ceinturon. Ces soldats tchadiens sélectionnés et entraînés
,dans un premier temps , par des conseillers israéliens ,
furent équipés par l’Armée zaïroise ; après les accords
Tombalbaye – Khadafi , les spécialistes de Tsahal ont vu
leur contrat résilié et ont dû rejoindre les kibboutz de la
rive ouest du Jourdain .
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« Lewis
» |
Bernard
Lart |
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7 heures du matin, sur le tarmac situé
devant les ’’boukarous’’ , les neuf cylindres de chaque H34
tournent maintenant régulièrement , les équipages attendent
l’arrivée de l’unité à héliporter .
Vers 8 heures la température matinale
monte d’une dizaine de degrés , un officier de l’A.N.T.
arrive seul . Dix minutes après quelques soldats se
présentent traînant leur ‘’Fal ‘’ (17) : résultat immédiat,
l’un après l’autre les plus anciens dans les équipages
endossent leur lourd gilet pare-balle.
Le ‘’ mécano.nav. ‘’ du Pirate
grommelle dans ses bacantes, à son collègue tireur,
« Pierrot , vu le peu d’empressement des ‘’ ficelles ‘’ , je
sens que du côté de Koukou-Angarama le comité d’accueil
n’agitera pas des petits drapeaux Franco-Tchadien ! »
(18) et il ajoute, en positionnant une de ces côtes de
maille des temps modernes sur la toile de son siège , « For
to take care of my families jewels » ( 19) . Le reste de
la cohorte aux impedimenta des plus africains : poulets
vivants, sacs de mil et régime de petites bananes vertes,
arrive peu à peu.
11heures, après 1 heure 30 minutes de
vol , l’avant-garde du D.I.H. ,constituée par les deux H34
Pirates , est en approche de la zone de poser . Dans les
casques des équipages, les échanges radio s’intensifient et
une tension sensible se fait sentir après l’annonce du
leader « les AD4 sont a.s.m. , le terrain n’est pas ‘’
traité ‘’ » .
L’Alouette du
P.C.volant ordonne que les H34 armés se substituent
immédiatement, aux avions absents. Un silence s’en suit
entre les deux commandants de bord des hélicoptères armés.
En effet le’’ Sikorski ‘’ est lent et sa silhouette
callipyge constitue une cible facile (20), pourtant nos
pilotes sont prêt à ‘’ y aller ‘’. Le leader, annonce
« No Lens , Volens »
( bon gré , mal gré ), avant d’ordonner « Armez
canon »
Le premier
Pirate se présente, mal, Yvon le tireur ne voit pas de ‘’1
heure à 5 heures‘’. (21)
Au sol, au
milieu d’un terrain chaotique de rocs granitiques et de
Kékés, les rebelles disséminés et bien dissimulés
aperçoivent les deux voilures tournantes qui entrent en
scène. Avant que ‘’ les trois coups ‘’ ne soient
frappés, une rafale de ‘’ Lewis ‘’ (22) part en direction du
flanc gauche du Sikorski Pirate leader. L’appareil vire
brutalement à droite et à gauche, les 9 cylindres gémissent
et peinent. Deux à trois impacts dans la soute et à la base
du rotor occasionnent des vibrations importantes dans la
machine. Le bruit du ‘’Wright ‘’ couvre celui des coups de
feu. L’équipage éprouve exactement ce qu’on ressent, quand
on conduit un véhicule, au moment où on relève la tête après
une recherche sur la carte et où on s’aperçoit que sur la
piste une ornière conséquente est là , qu’il faut freiner en
catastrophe .
Le coin est mal
‘’pavé’’ pour une autorotation éventuelle … ce qui oblige
le pilote à quitter la zone, sous la protection du second
Pirate .
Les abaques
sont réévalués rapidement - carburant restant, température
au sol élevée de la mi-journée( 23), vents rabattants sur
les reliefs de ce plateau du Ouaddaï - et pour un poser
d’assaut , les ‘’ mécanos-nav.’’ des cargos n’ont que deux
pieds pour pousser les ‘’ficelles ‘’ hors de la soute !
Alors retour à ‘’Mongo airport ‘’, après escale de
ravitaillement .
Après le poser,
c’est le moment des ‘’Shadocks ‘’ : chaque membre d’équipage
fait le plein de son H34 , en utilisant manuellement une
pompe ‘’ Japy’’ , puisant le carburant dans les trois barils
positionnés sur le tarmac .
Pour ‘’
compenser ‘’ cet exercice répétitif , les commentaires de
fin de journée vont bon train ; tout en conditionnant les
bandes d’obus avec le ‘’pétafeu ‘’ , Gérard le tireur de la
prochaine mission , déclare , en prenant l’accent ‘’Golo’’,
« Eh patron
, entre l’arbre et l’écorce , il ne faut pas mettre le doigt
… » .
(17) Fusil automatique belge adopté par l'OTAN, à l'époque
le PM 49 et le FSA 49-56 équipaient toujours l'armée
française.
( 18) A contrario une arrivée ponctuelle , au pas cadencés
et en chantant des troupes autochtones pour un embarquement
, était un indice d’un
héliportage ‘’ paisible ‘’ .
( 19) Son souhait d’être affecté comme sécurité cabine
(steward ) au G.L.A.M. se traduisait par l’emploi de mots et
expressions anglaises ,à l’approche de son retour en
métropole .
( 20) A cet époque , la menace sol-air se résumait aux tirs
d’armes d’infanterie . N.B. :primo, durant la guerre du
Vietnam , les pertes aériennes U.S par des tirs de petits
calibres se chiffrèrent à plus de 2000 appareils abattus ;
Secundo, le H34 Sikorski s’embrasait en trente secondes !
( 21 )Pour les membres de l’Amicale n’ayant utilisé que les
voilures tournantes aux noms de félins (Puma, Cougar ) , le
H 34 ne possédait qu’une seule porte située sur le flanc
droit de sa soute ; de ce fait , le tireur
canon
utilisait son arme que sur des objectifs situés entre ‘’
1heure et 5heures ‘’ . Le pilote devait concilier les
impératifs de vol de la voilure tournante avec l’emploi
tactique du tir au canon
(22) Mitrailleuse britannique datant de la première guerre
mondiale 14-18 .
( 23 ) Nous sommes à la fin du Seyf , pleine saison sèche et
chaude – en moyenne 40° à l’ombre … et il n’y a pas
d’ombre !
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« L'
EVASAN » |
Bernard
Lart |
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Fin
Septembre début Octobre, l’activité du détachement
d’hélicoptères se cantonne à des vols d’entraînement, les
opérations de l’A.N.T. étant des plus statiques car cette
année le Déret ( saison des pluies ) se prolonge . Un soir
au ‘’ boukarou La pergola ‘’ un assistant militaire français
de la Garde Nomade tchadienne, en attente, d’avion pour le
lendemain, relate un accrochage meurtrier deux jours
auparavant entre les nomades ‘’ Missériés ‘’ et un groupe de
rebelles armés . Mais compte tenu de l’éloignement de
l’affrontement, de toute infrastructure administrative et
militaire et des protagonistes, aucune mission de secours
n’a été organisée . Le commandant du détachement contacte
l’état-major à Fort-Lamy et demande , pour le jour suivant ,
l’autorisation ‘’ d’aller voir ‘’.
Six
H34 cargos avec l’équipe médicale du camp décollent
accompagnés par un Pirate armé. Après deux heures de
reconnaissance à vue ( R.A.V.) dans le centre du
Batha en
dehors de toutes routes et pistes , les vols concentriques
des charognards et autres vautours permettent aux équipages
de découvrir le Ferrik (24 ) des Missériés et leurs
troupeaux de zébus.
Survol, avec précaution des lieux, à six cents pieds la
réalité sanglante apparaît : beaucoup de blessés allongés à
l’ombre des ‘’kékés ‘’ et des terrassements récents . Sous
la protection du Pirate, canon pointé sur le relief
environnant, les ‘’cargos ‘’ descendent pour trouver une
aire de poser au milieu des tentes et des Zéribas ( 25 ).
Aucune assistance médicale sur le terrain, l’EVASAN est
décidée.
Dans une
atmosphère lourde et pestilentielle, au milieu d’essaims de
mouches, les corps allongés sont rapidement examinés dans le
cadre du tri médical . Tous les brancards, des lots de bord
des ‘’ hélicos.’’, sont sortis et dépliés ; chacun
s’improvise brancardier, secouriste ou intervenant auprès
des familles en vue de les convaincre de ne pas participer
au ‘’ baptême de l’air ‘’ de leurs coreligionnaires blessés
. Vu le nombre important de victimes - nomades atteints par
balles et de rebelles victimes de coups de sagaie, de flèche
et de poignard - à évacuer , le H34 armé se pose également
pour prendre son lot de suppliciés et ce , malgré son canon
et sa soute encombrée de munitions .
Le temps presse car les trois
quarts de la composante héliportée au Tchad est à terre
-pales immobiles-, sans protection. Le tri effectué, les
blessés sont transportés vers les H34.
Serge, le tireur canon ,découvre ,
une femme assise veillant une tombe - petit tumulus de terre
- . Blessée, elle se laisse porter par le tireur et le
‘’mécano-nav . ‘’ vers le Pirate . L’accès à l’intérieur de
la soute n’est pas aisé, les deux s’emploient à hisser
l’évacuée au visage impassible, le médecin capitaine accourt
« doucement les gars , elle a sans doute une balle dans
la poitrine ! » . Aucune plainte, aucun murmure ne
sortent de la bouche de cette femme nomade ‘’ missérié ‘’ à
la peau claire et aux traits fins, quand on l’installe sur
une caisse d’obus de 20mm dans la soute où le démarrage des
moteurs fait vibrer la carlingue …
Après un vol de nuit - hors normes B.S.V -, un ‘’
fusco. tireur ‘’ de retour dans son ‘’ Boukarou ‘’, ouvre
son carnet de vol sur une caisse de Gala ‘’ la bière du
bonheur ’’ consacrée table de chevet. En inscrivant la
mission de cette journée, l’intéressé regarde son
calendrier : - 04 Octobre, Saint François
d’Assise -
( 24 )Terme arabe tchadien désignant les campements nomades
d’une trentaine de tentes ; les tribus ou Nafar des
Missiriés figurent parmi les plus mobiles – les meilleurs –
éleveurs de zébus.
( 25) Clôtures d’épineux entourant le bétail au repos .
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« L'
Ennedi » |
Bernard
Lart |
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Cinq jours
déjà, tout le détachement d’hélicoptères de Mongo campe au
bord de la piste d’atterrissage ( une simple bande de sable
dégagée de tout obstacle ) de l’ oasis de Fada , au pied du
massif montagneux de l’ Ennedi - préfecture du B.E.T. – .
Le décor est
planté pour une ‘’grosse Opé. ‘’, camions – radio couronnés
d’antennes, village de toile ‘’ Saga 3 ‘’. Dans la tente P.C
qui forme le quatrième côté du quadrilatère - « ô, ma
vieille caserne oubliée » … ‘’Soleil ‘’ s’active, avec ses
officiants tchadiens, devant le rhodoïd d’une grande carte
au 1/250 000. Les punaises, de couleurs et de tailles
différentes, se multiplient sur la brillance du plastique.
La main de ‘’ Soleil ‘’ se plaque, les cinq doigts écartés
couvrent d’un seul coup cent km ² de Tassalis -falaises de
grès- façonnées par les vents du couloir du Borkou, de
Gueltas creusées par des siècles d’oueds disparus,
aplatissant par ce mouvement les Barkanes – dunes ocre en
forme de croissant - .
‘’ Soleil ‘’
tapote de la pointe du Khalam – plume en tige de mil – la
tête d’une punaise et révèle LA manœuvre :
. « les deux
escadrons motorisés foncent plein Nord vers ce cirque
rocheux, là , on boucle à l’endroit voulu les véhicules
venant de Libye , on héliporte dans la nasse ainsi créée et
on straffe les fuyards.»
Tout est là,
comme sur l’estrade d’un amphi devant une caisse à sable (
Sic … ) ,
acquiescement chez les responsables de l’A.N.T , on ne peut
décemment pas se tromper .
A la
fin de
cette ‘’messe ‘’ et
avant de se retirer ,on précise :
« Paris a les yeux sur
nous ! ».
Cinq jours où
le sable entre et s’insinue partout. Les ‘’ reverses‘’ du
Transall matinal ou du D.C.3 de ‘’ la tchadienne ‘’
remplissent les sabliers que sont devenus le matériel
d’environnement et de bivouac du D.I.H. Air .
Le bouclage par
la colonne militaire tchadienne de la caravane de
contrebande – on annonce 17 camions de marque japonaise
chargés d’armes et de munitions de contrebande - se fait
quelque peu attendre .
Cinq jours où
les ‘’ cooleman ‘’ ( 27), que chaque équipage amène
dans la soute ,se vident de leurs victuailles . L’art
d’accommoder le bœuf en boîte avec des oignons locaux se
vulgarise, quand les rations modèle 57 apparaissent.
Le commandant du détachement ‘’ Air ‘’
décide d’effectuer une opération ‘’recherche et prise de
viande sur pieds dans le cheptel saharien ‘’ .
Le lendemain
deux H34 cargos et un Pirate avec deux tireurs à bord
décollent en direction de la dépression du Mourdi où des
gazelles Dorcas (28) ont été aperçues .
Le
safari héliporté démarre, les tireurs Bernard et Jacky se
lancent dans cette mission nouvelle à bien des égards. En
effet, après avoir repéré un troupeau il faut :
- pointer en léger décalage
sur un objectif d’une grande mobilité et d’une
imprévisibilité quelque peu déconcertante,
- tirer 2 à 3 obus pour ne
pas hacher le gibier et transformer cette viande
délicate en hachis pour hamburger, voilà pour la partie
aérienne.
Au sol il faut :
- saigner les bêtes abattues,
compte tenu de la température élevée,
- transporter celles-ci sur
plusieurs mètres jusqu’au cargo rotors tournants.
Des volontaires ? nos deux ‘’
titulaires canons ‘’ sont à l’ouvrage, seuls , à pied dans
un chaos de sable et de rochers en grès rose et rouge -
décor digne des grands ‘’ westerns spaghetti ‘’ en
cinémascope - .
Le soir, sous
une voûte céleste grandiose où les traînées lumineuses des
étoiles filantes ne troublent en aucune manière Cassiopée et
Orion, l’ensemble du personnel déguste les cuissots grillés
à la braise ; les invités se font nombreux pour ces petits
festins simples et conviviaux .
Le matin, les
vautours et autres charognards s’invitent également pour
finir les restes .
Au troisième
soir , dans le groupe des invités un responsable tchadien du
renseignement est là , il s’enquiert de la localisation des
safaris , on lui montre la dépression sur la carte ;
«
intéressant ,c’est une zone où les rebelles Toubous ( 29)
peuvent séjourner … »
Le surlendemain
l’approche de la piste de Fada par les charognards et
autres rapaces ne s’effectue plus: il n’y a plus de
carcasses à déchiqueter et on déstocke, de nouveau, les
rations …
Et le
bilan ?
Deux suspects
pris par les soldats de l’A.N.T. et beaucoup d’heures de vol
d’hélicoptère pour transporter… des moteurs neufs en
dépannage des véhicules des escadrons tchadiens lancés sur
la piste historique de Koufra !
Et le convoi
de camions ?
Avec le
potentiel du Nord 2501, de longues ‘’ R.A.V.’’ sont
organisées aux confins des frontières soudano-libyennes.
Immense panorama minéral s’étendant à perte de vue, désert
intégral avec ses cordons de dunes perpétuellement balayées
par des vents qui saturent l’atmosphère en poussières de
silice .
Nos fusiliers-
commandos changent de fonction : observateur (30 ) par les
hublots
latéraux et par ceux de la
coquille arrière de la ‘’ grise ‘’ , mais point de
camions nippons en vue .
L’opération
démontée, le D.I.H. Air retrouve Mongo avec ses ‘’boukarous
‘’.
Les
Cynocéphales, sur la montagne de ‘’ la femme couchée ‘’,
assurent la veille du parc des H34 aux pales pendantes ,
monstres tristes parce qu’en ‘’chaussette ‘’ (
petites bâches couvrant les bouts de pales avec attache de
corde).
( 27)Garde-manger portatif acheté au foyer de la base de
Fort-Lamy .
(28) et quelques gazelles Ndama (ou biches Robert)
N.d.l.r...
(29) Fiers, irascibles guerriers , les nomades Toubous sont
divisés en deux groupes , les Tédas du Tibesti et les
Dazas (ou Goranes en arabe) implantés dans le Borkou -
Ennedi.
(30) Durant le siège de Sarajevo où l’Armée de
l’air a tenu l’aéroport de cette ville martyre , des ‘’fuscos’’
remplirent de nouveau cette fonction à bord d’ Hercule c130
, pour déceler des départs de missile sol-air dans le ciel
bosniaque. A 22ans d’intervalle pour Jacky l’histoire ,en
quelque sorte ,se répète …
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« Le
Djily » |
Bernard
Lart |
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A la fin du
premier trimestre de 1973 avec le ‘’ Shite ‘’ – saison sèche
et froide – les héliportages des unités de l’A.N.T.
s’intensifient, en particulier
dans le Ouaddaï
et le Batha . Les carnets de vol se remplissent à la
satisfaction des tireurs : Louis, Richard , Jean et
Jean-Paul.
Durant
plusieurs jours, loin de sa base , le D.I.H. au complet
opère sans relâche . Les moteurs ‘’ Wright ‘’ des cargos et
des deux Pirates souffrent, mais grâce à la maintenance sur
le tas effectuée par les mécaniciens , de jour comme de nuit
, la disponibilité est au maximum . Cette intense activité
aérienne, planifiée de jour en jour , assèche les stocks de
carburant pré positionnés dans les postes isolés tchadiens .
Après cinq jours, le retour sur Mongo est autorisé .
Durant le vol
groupé, les abaques sont vérifiés en permanence . La
navigation se fait difficile, les repères au sol sont
inexistants et peu visibles à travers la couche ocre
occasionné par l’Harmattan, ce vent venant du Nord . Les
pilotes ou copilotes annoncent régulièrement le carburant
restant, les aiguilles de jauge s’enfoncent inexorablement
vers le dernier cran , avant que les équipages puissent
avoir visuel sur le relief de l’ Abou Telfan et sa montagne
‘’de la femme couchée ‘’. Quelques dizaines de minutes de
vol après , ‘’ short pétrole ‘’ et d’autres expressions
moins livresques résonnent dans les casques . Tous les H34
se posent du côté de Djaména Bilale .
Des éléments
épars d’une unité de l’Armée tchadienne sont là , deux à
trois véhicules sont calcinés – résultat d’un accrochage
avec le Frolinat vieux de quatre jours - . Les pales sont au
repos , quand les mécanos prennent la décision de vidanger
tous les fonds de réservoir des cargos . A l’aide des ‘’
goose neck ‘’ (31) , on complète le carburant restant de
l’un des Pirates . Pendant qu’on siphonne allègrement, nos
tireurs démontent le canon pour alléger l’appareil .
Le commandant
du D.I.H. demande, l’intervention des avions AD4 de Fort –
Lamy, pour surveiller la zone . Grâce aux reliquats de
carburant, le H34 Pirate ( sans canon ) décolle pour Mongo .
-On sort les P.M
, les carabines U.S du dessous des sièges de soute .
-On vérifie les
chargeurs en les tapotant sur les talons des pataugas.
-On glisse
discrètement, quelques grenades ,dans les poches ‘’ bas de
jambes ‘’ des combinaisons de vol .
-On se coiffe des chapeaux de brousse d’une manière martiale
pour certains , les autres préférant le style ‘’o.k corral
’’ .
Les deux
tireurs deviennent subitement, des conseillers ‘’ défense ‘’
, des chefs d’îlot de la tribu des ‘’Eqauso’’ (32) . Chacun
essaye de se souvenir de ses premières leçons de combat
pratique, en petite garrigue entre le point E et le bois de
Nice , lors de sa formation initiale d’élève sous-officier à
Nîmes : se poster , utiliser son arme . Le moindre rocher,
le plus petit épineux sont convoités dans le périmètre
imparti par les onze appareils aux pales pendantes.
-On
s’installe, on aménage, avec timidité , son emplacement
individuel – des petits murets symboliques sont édifiés - .
La
situation peut perdurer, l’environnement , le contexte , le
stationnement incongru de ces machines volantes au milieu de
cette steppe herbeuse, plane et morne , vont peut être
attirer le ‘’ marguay Djily ‘’ – le génie de la
guerre dans le culte Margay – (33) .
L’Afrique reprend ses droits …
En effet une menace – non prévue aux T.T.A (34) – apparaît :
en attente d’une hypothétique colonne de secours, les
soldats tchadiens , désemparés sans véhicule , pensent que
les hélicoptères sont là pour les évacuer …
Le chef du D.I.H. avec Jean -Paul comme garde du corps ,
s’avance pour expliquer , au gradé de cette escouade à
l’abandon , l’impossibilité d’un embarquement à bord .
Entretien difficile, incompréhension totale ,
Ubu
s’initie-t-il pour entrer dans la sphère des
génies ?
Résultat,
un énervement grandissant chez les soldats africains dont
les ‘’F.a.l ‘’ sont ostensiblement armés et dirigés vers les
‘’ Eqauso - Nasara ‘’ .
L’arrivée des
deux avions AD4 au-dessus des têtes , calme les esprits des
‘’ Hommes ‘’ . Les deux pilotes français ‘’ coopérants ‘’
voyant leurs collègues – aux statuts ‘’ p.n. bien établis
‘’ – être à terre comme de vulgaires ‘’ biffins ‘’
(35), se font un devoir de faire de l’humour à leur manière.
Ils enchaînent
, dès lors ,des figures acrobatiques comme dans un meeting
aérien . Piqué, renversement , survol ‘’ T.B.A ‘’ etc. se
suivent , hors minima ,en autant de clins d’œil à leurs
homologues des voilures tournantes cloués dans ce carrefour
perdu de Mourhal ( pistes ou axes de transhumance ) .
Les génies du
Margay sont de retour.
Richard ,
l’autre tireur resté au sol , s’organise comme dans les
exercices et manœuvres ( Atome 726 , Icare , etc.) : trois
ou quatre pierres, quelques brindilles et branches d’épineux
, le papier d’une enveloppe de courrier "Air Mail"
constituent un foyer miniature , l’eau de la gourde et le
Robusta local remplissent la cafetière soutenue par la
crosse télescopique du P.M . Le zippo pour déclarer sa
flamme à l’amour du ‘’qahwa ‘’ . Quinze minutes après , le
’’ petit jus’’ s’annonce par un sifflement à toute la tribu
.
Le ‘’ Djily
‘’ savoure ces instants simples entre commensaux.
Le H34 Pirate
transformé en cargo avitailleur – quatre barils de 200
litres de carburant – arrive enfin. On roule les fûts au
pied de chaque hélicoptère, les pompes Japy sont actionnées
au plus vite . On répartit le précieux liquide dans les onze
réservoirs. Au fur et à mesure les neuf cylindres en étoile
démarrent en toussotant quelque peu . Pour certains une
intervention hautement technologique est nécessaire , seuls
les mécanos formés et brevetés sur les bords de la Soubise
et du lac du Bourget (36) , peuvent la pratiquer : on ouvre
les deux parties du capot moteur et armé d’un marteau,
l’officiant , frappe d’un seul coup le clapet d’injection
...
...
ce qui permet dans bien des cas le démarrage des 1545 CV .
Un par un , les
H34 décollent en roulant sur une portion droite de Mourhal .
Les génies
s’en vont vers le Haut . - l’aviation reprend ses droits - .
Après le retour
sur Mongo, sans perdre de temps , chacun retrouve son lit
Picot avec moustiquaire – lieu intime s’il en est – pour
savourer le plaisir d’ouvrir ses lettres arrivées pendant
l’absence des personnels du D.I.H.
Le lendemain
matin , un de ces membres ayant reçu une coupure de presse
dans son courrier familial (37) , affiche l’article en
question au tableau d’ordre de l’unité :
« Bientôt , plus
d’essence dans nos réservoirs ! »
et le journaliste auteur de ce titre choc , précise
« La reconquête ,
par l’Armée égyptienne du Sinaï occupé par Israël , est
programmée dans les jours à venir ; cette
offensive le long du canal de Suez , entraînera tout le
Moyen Orient dans la guerre ; d’où une pénurie de carburant
dans les stations service de l’hexagone . » ( 38 )
Quelques
instants après l’affichage, une inscription à la craie (39 )
est rajoutée :
« Qu’on
envoie le Pirate ! … » .
(31 ) Récipient en zinc galvanisé doté d’un long bec verseur
d’où cette appellation de ‘’ cou d’oie ‘’ .Par ailleurs
excellent substitut pour un balisage nocturne de fortune .
En effet , de 1971 à 1985 , sur le terrain de Pujaut ,
certaines nuits ( le premier lundi de chaque mois ) virent
flamboyer ‘’ les goose-neck ‘’ sur la ‘’ D.Z ‘’ berceau du
parachutisme militaire .
(32)
En français , équipages au sol .Prémices du retour à
l’authenticité africaine ?
(33) Le culte Margay , pratiqué par plusieurs ethnies au
centre du Tchad , parle de cosmologie en indiquant que
l’Homme est au niveau le plus bas du cosmos . Au-dessus de
la terre se trouve le Haut ( nuages , orages , pluies ,
soleil , lune et étoiles ) . Entre les deux se situe la
sphère des génies qui sont attachés à la terre , mais sont
capables de s’élever vers le haut… Ce qui est impossible à
l’Homme , ou à tout autre créature …
(34)
Textes toutes armes qui réglementent , codifient l’ensemble
des activités ( combat , tirs ,etc. ) dans l’Armée de terre
.
(35) Le rédacteur de cette prose ‘’ épique ‘’ ne veut
surtout pas entamer une polémique avec nos collègues en ‘’
kaki’’ , mais voulant écrire ‘’vrai’’ , il emploie le
langage de la ‘’vox populi ‘’ des aviateurs , à l’époque...
(36)
B.A 721 de Rochefort et B.A 725 de Chambéry à l’époque
centre d’instruction des équipages d’hélicoptères et de
maintenance des hélicoptères ‘’A.A’’ , cette base fut
dissoute en 1985 .
(37) Le ‘’ syndrome de l’arrière ‘’ : Il est à noter que les
membres de la famille, les amis , dans bien des cas , plus
enclins à s’appesantir sur leurs soucis de tous les jours et
les aléas de la vie trépidante des bases de l’hexagone que
du séjour de l’intéressé .
Les
anecdotes ne manquent pas , citons celle -ci : Au petit
matin un commandant d’unité croise un de ses subordonnés qui
le salue « Ah bonjour Dugommier ça va .. » ( l’omission du
point d’interrogation est voulue …) « ben oui mon C… Je
reviens de.. » « Ah oui Dugommier ce stage s’est bien
passé.. » ( idem ) « Bien je file , le ‘’ grand chef ‘’
m’attend , bien , vous savez , ici , on tourne très
vite, alors au boulot !» . Pour la petite histoire , le
Dugommier revenait de Sarajevo après avoir effectué un
séjour de quatre mois durant l’hiver …
( 38 ) Ce conflit a effectivement eu lieu , mais quelques
mois plus tard , le 6 octobre 1973 : guerre du Kippour pour
les israéliens , offensive victorieuse d’octobre 73 pour les
égyptiens .
(39 ) A l’époque , les feutres et autres marqueurs ne
figuraient pas au nombre des fournitures de bureau .
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