UN "GRAND BAZAR" 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Juillet 1960
 

J’étais à l’époque au DIH d’Orléansville lorsque l’état-major a déclenché l’opération « Cigale » dans le Massif de l’Ouarsenis. Trois DIH dont un de la Marine ont participé au déclenchement de l’opération, tout un cirque avec Alouettes, Pirates, B26, T6, etc…

Après quelques rotations de notre DIH, je suis désigné, ainsi qu’un autre H34 pour héliporter dans la zone de combat deux sections de commandos.

 Une fois en l’air, ce n’est pas sans quelque inquiétude que je mesure la responsabilité qui m’incombe, alors jeune 1er pilote, de conduire deux H34 en héliportage d’assaut sans Alouette de guidage, sans « Pirate » en protection, sans le moindre T6 en couverture et sans fréquence ni indicatif de troupe au sol, juste des coordonnées griffonnées sur un bout de papier, le tout avec une "visi" douteuse due à une légère brume et à de nombreuses fumées au sol, suite sans doute aux bombardements préventifs.

Au bout du temps de vol estimé j’aperçois droit devant, une crête semblant correspondre aux coordonnées ; d’autant plus confirmé dans cette pensée que je distingue une colonne assez importante en uniforme (étant, vus de loin, tous de la même couleur) se dirigeant vers un emplacement dégagé compatible avec une DZ monoplace.

Etant déjà positionné en longue finale en approche haute (heureusement) face au vent d’après les fumées alentour, et en attendant un éventuel fumigène, je décide de ne pas effectuer de passage sur la DZ (re-heureusement). Je réduis les gaz et commence la descente en demandant au numéro 2 de prendre ses distances. J’aperçois alors avec surprise les types de la colonne s’éparpiller dans toutes les directions et, presqu’immédiatement, un cri du mécano dans les écouteurs : « Nous sommes touchés, on nous tire dessus ! ». 2500 t/m, 40 à l’admission, break rapide afin de s’éloigner au plus vite tout en avertissant le n°2.

Trop tard, la balle qui a frappé le cargo a touché un des commandos. Après avoir envoyé un message sur les ondes (sans être certain qu’il ait été entendu vu l’encombrement sur la fréquence), nous mettons à toute vitesse le cap sur Orléansville et son hôpital où nous débarquons les commandos et leur malheureux camarade mortellement blessé.

Après avoir redécollé en direction de la Base, j’arrive en longue finale sur la piste et commence à réduire les gaz, lorsque le moteur coupe brutalement. Réflexe immédiat, mise en autorotation et… le moteur reprend ; j’embraye avec précaution, et comme la piste est assez longue, je me pose en atterrissage roulé, à faible puissance donc car on ne sait jamais…

Le parking puis les OPS, avec la sensation pénible d’être presque responsable de la mort du pauvre gars. Une dizaine de minutes plus tard, mon mécano vient me chercher : « Viens voir le taxi ! ». Nous retournons sur le parking où un attroupement entoure le H34. C’est alors qu’il me montre au passage la Boîte de Transmission rotor de queue percée par un second projectile avec le liquide poisseux dégoulinant tout le long du pylône de queue, et la bâche presque vide. Il était vraiment temps qu’on se pose, car sans rotor de queue…

« C’est pas fini : il y en a une troisième ! », et de me montrer le cylindre supérieur du moteur dont une tubulure d’admission a été traversée de part en part, ce qui a peut-être provoqué la coupure du moteur à la réduction des gaz en finale. Je pense alors que la balle a dû passer très près de l’habitacle sans nous toucher, chance que n’aura pas plus tard Jean Browne mon meilleur copain, presqu’un frère, tué aux commandes d’un « Pirate », pas plus que le Sergent Galabert victime d’une panne moteur, également sur « Pirate », à basse altitude et faible vitesse, domaine de vol qui ne pardonnait pas.

A leur mémoire, je conserve précieusement une photo noir et blanc, format carte postale, prise par un professionnel, rue d’Isly, lors d’une journée de détente à Alger. Nous sommes trois marchant côte à côte, détendus, souriants… à ma gauche Browne et Galabert. Le dicton populaire ne s’est pas vérifié…

 

         Bernard Mahaut          Galabert                           Jean Browne                                                                              

 

Sombre soirée…

PS : ne cherchez pas mon équipage dans l’ « Historique » de la 23ème EH à la rubrique "H34 atteints par tir rebelle"  (Annexe 8). Il ne s’y trouve pas ; un oubli sans doute.

 

Récit: Bernard Mahaut A.H.A.