... Quelques jours avant, nous étions déjà en plein baroud
dans l'Ouarsenis, les héliportages d'assaut alternaient avec les
"EVASAN", et ce 14 mai 1960, à bord du 561 avec comme
équipage (PCA) Coheleach (PIL) Louvet (Mec)
Moreau, nous évacuons un blessé aux jambes dans la
zone de Molière lorsque pris sous le feu adverse, un projectile vient
se loger dans un cylindre du moteur, perturbant son fonctionnement au
point que l'hélicoptère est déstabilisé et le pilote ne peut éviter
le crash. Par chance le choc à l'atterrissage ne provoque pas d'autre
catastrophe que la mise hors d'usage de l'appareil...
Message
de détresse à la base de La Réghaïa... |
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Après le crash (1)
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... A La
Réghaïa la journée de travail s'achève dans les hangars
lorsque l'alerte est déclenchée et mon équipe de mécanique
désignée pour se rendre sur les lieux du crash pour vérifier
s'il peut-être récupérable. Je change de treillis et glisse
discrètement mon "Foca" dans une poche...
Nous récupérons le
matériel indispensable, la clé hydraulique pour dévisser
l'écrou de la tête de rotor, la chèvre tripode démontable et
son palan, la boîte à clous et la quincaillerie des outils
ordinaires. Appelé de la 58/4, je
fais équipe avec les Sgt Delpech et Ménage, on
file vers le hangar des escadrons lourds.
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La Réghaïa, hangar mécanique EMT |
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Un H-34 est prêt au
départ, le pilote Cdt de bord est le Cdt Quenel. |
Le "pouet"
(générateur électrique) est branché, le moteur éternue, la
carcasse du 1127 vibre, le cargo oscille un peu,
puis se met à l'unisson du moteur, le rotor est lancé, les
pales, souples, se soulèvent... Le taxi roule vers la piste en
tôles d'aérodrome et sur le "H" matérialisé,
vire vers l'ouest... Point fixe, l'hélico s'enlève dans le
vacarme de sa cavalerie et son nez bascule vers l'avant, il
prend de l'altitude en survolant les vignobles et met le cap sur
Boufarik, on survole les orangeraies avant d'atteindre
les approches de l'Ouarsenis et ses reliefs boisés; vers
le nord, des nappes de nuages épais glissent vers la plaine du Chelif.
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Un bref instant on
distingue un autre H-34 décollant d'une
clairière. Enfin le 1127 entre dans le secteur de
Molière, il survole un oued et tourne autour d'un piton sur le
versant duquel gît le 561, couché sur le flanc,
jambe gauche brisée, cône vrillé, pales tordues, par chance
il n'a pas brûlé. L'équipage a déjà été dirigé vers Alger. |
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Le 561 couché
sur le flanc (2) |
Tout autour de nous, le
djebel porte les stigmates des opérations de 1959, des arbres
ont été déchiquetés par l'artillerie et les bombes, la terre
a gardé la teinte rougeâtre des matières exposées aux fortes
températures, celles du napalm en l'occurrence.
Le 1127 se
pose entre les troncs d'arbres. En examinant l'accidenté,
nous échafaudons des hypothèses sur l'origine du crash, tir
rebelle, défaillance du moteur, piège des vents rabattants...
Il semble que le 561 ait perdu de l'altitude et que
le pilote ait essayé de plonger dans la profonde vallée qui
longe le djebel. Il a failli réussir; il s'en est fallu de 2
mètres, les pales ont heurté la pente, puis le cône arrière
fait de même dans une violente convulsion. L'appareil qui ne
semblait pas avoir de vitesse horizontale s'est effondré sur le
côté du relief, manquant de basculer dans le ravin.
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Après repérage , direction
Orléansville |
Mais il se fait tard, le
1127 repart dans l'obscurité pour
Orléansville
où l'accueillent les lumières rares de la base. Aux premières
lueurs, le lendemain, le taxi décolle de la pampa et file vers
le sommet de l'Ouarsenis qui domine l'horizon au sud. |
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Survol de la zone de crash |
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...jambe cassée, pales pliées... |
Notre travail ne
présente aucune particularité sinon agréable. le site du
crash se trouve à une douzaine de kilomètres à l'est du Kef
Sidi Amar 1995 m, en un lieu "aérien", venté et
ensoleillé; quant à l'environnement "guerrier", il
ne nous est proche que par les bribes de communications radio
entre les "biffins"(affectueux) du secteur, je ne me
souviens plus si au départ l'armurerie nous avait fourni les
arquebuses indispensables en ces parages. |
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"déplumage" du
561... |
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Nous procédons d'abord
au "déplumage" du 561, les pales sont jetées
dans la pente, le cône arrière (70 boulons à dévisser...)
subit le même sort, le pylône et le rotor arrière intacts
sont conservés, |
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l'essence des réservoirs est
transférée à la pompe "Japy" dans deux fûts de 200 l, je
scie les gros paquets de câblage radio/équipement pour
alléger la structure, les trains d'atterrissage sont
démontés. |
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... transfert du carburant, Henri Soula et
Ménage... |
La manœuvre la plus
importante est le démontage et le déplacement du moteur "Wright
Cyclone" qui pèse près de 500 kg...
Gloire soit rendue
à la modeste chèvre...
sans laquelle aucun dépannage dans le
bled n'eût été possible !
Le moteur ne peut être enlevé sur
place en raison du relief et de la présence des troncs
d'arbres, nous sommes contraints de l'éloigner d'une
cinquantaine de mètres en suivant le sentier sur lequel s'est
écrasé l'hélico, l'inclinaison du fuselage complique la
tâche; heureusement, la chèvre assemblée nous tire d'affaire,
sa tête donne une certaine liberté à chacun de ses pieds :
tandis que deux mécanos appuient fermement deux pieds au sol,
un troisième homme soulève le dernier et le déplace d'une
cinquantaine de centimètres, la méthode est sûre si l'on
veille à éviter tout basculement, c'est long et fatigant mais
on atteint l'endroit prévu.
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... le Wright à l'écart, au
premier plan la chèvre... |
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Nous reviendrons le
jour suivant pour poser les élingues, et nous commençons
par le moteur.
<-- Henri Soula
Démontage du rotor anticouple |
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La harka |
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Présentation du crochet du "sling" |
Les "cochers" du
1127 qui ont décollé
d'un creux entre deux pitons, décrivent une large courbe avant
de se présenter, venant du sud. L'appareil approche lentement,
Delpech et Ménage soulèvent le lourd palonnier de levage qui
soutient le moteur en quatre points, j'allège la barre
supérieure et je présente l'anneau d'accrochage; le pilote du
1127,
sans aide extérieure, positionne exactement l'appareil au-
dessus de nous, le bruit est énorme, le souffle des pales
violent et on inhale les gaz d'échappement. Le H-34
descend doucement, je fais claquer la mâchoire du crochet du
"cargo sling" sur l'anneau et je m'éloigne de
quelques mètres tandis que Delpech et Ménage
continuent de tenir encore à bout de bras la poutrelle du
palonnier, je fais signe au pilote : Tout est "OK"...
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Envolée du collectif et l'hélico enlève la charge dans une
superbe verticale.
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... Transfert du "Wright" |
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Ce jour, un évènement
extérieur vient nous distraire de nos activités de
démembrement, un Djinn de l'A.L.A.T. vient se
poser sur le piton principal du djebel; un moment plus tard un
membre de son équipage vient à notre rencontre pour nous
demander un coup de main, ils ne peuvent plus repartir... Delpech,
fin mécano le suit et trouve l'origine de la panne, un ressort
de rappel du démarreur s'était décroché, remis en place il
permet à nos visiteurs inattendus de décoller. |
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Mise en place des élingues sur le cargo |
C'est ensuite le
transport de la BTP (boîte de transmission) et vient enfin le
tour du cargo qui a demandé l'adjonction de cordages en guise
d'élingues. Delpech est monté sur la plate-forme
pendant que Ménage guide la manœuvre d'approche du
1127; |
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Accrochage du "sling" |
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après l'accrochage du "sling" l'ensemble a
été soulevé et a amorcé une légère rotation, |
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ce dernier tronçon du
561 sans porte moteur ni pylône,
s'est aligné dans le vent sans osciller |
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et est allé rejoindre
les autres éléments à l'A.I.A. de Maison Blanche
pour y subir de sérieuses réparations. |
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Un dernier pot au bar de
l'escadrille de T6 d'Orléansville, une nuit pour
récupérer et l'on revient une dernière fois sur le site. Tout
ce qui ne peut être récupéré est jeté dans la pente et
brûlé avec le reste du carburant du 561; nous ramassons
avec soin tous les éléments métalliques, boulons, écrous et
autres qui pourraient servir pour des bombes artisanales; on
récupère les cartes et les quartz de la radio qui seraient
utiles aux rebelles; on embarque le pylône, les jambes du train
d'atterrissage, les portes du moteur, le rotor anti-couple, les
roues... les trois mécanos, la chèvre (...), les boîtes à
clous... (...et un raton laveur..."Prévert")...
Le cargo du 1127 est un véritable souk, un jour de
marché; on ne s'étonnera pas qu'au cours du vol de retour, un
pneu, destiné à amortir les chocs éventuels, soit passé par
dessus bord (...la porte étant ouverte...) à la verticale de
la plaine du Chélif à la surprise des quidam qui au sol
pouvaient craindre que le 1127 déjanté poursuive sa
désintégration... |
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Notre vol de retour
s'achève, nous volons à plus de 1000 m d'altitude après
Miliana, nous voici maintenant au-dessus de la Mitidja, l'air
frais qui vient de la mer ragaillardit l'équipe qui rentre au
bercail. Demain, de bonne heure,
à nouveau le cambouis...
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Commentaires d'Henri : |
"Ignorant tout de la technologie,
Delpech fût mon maître en mécanique "hélicoptérienne".
Patient et compétent, il me permit d'acquérir la
qualification technique en me formant sur le tas. |
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En ce qui concerne les photographies, j'ai
utilisé un appareil "FOCA" et des films Kodakrome. C'est un
adjudant des harkis, de passage avec sa section, qui a pris les
vues de l'élingage du moteur. J'ai pris celles de l'enlèvement
du cargo du 561. Comme j'ai guidé les pilotes lors de l'élingage
de la BTP et que les harkis étaient partis, je n'ai aucune vue
de cette opération. |
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Un mois plus tard, les camarades de mon
équipe m'apprirent que j'avais failli être traduit devant la
justice militaire pour sabotage; les techniciens de l'A.I.A.
n'avaient pas, paraît-il, apprécié la manière expéditive avec
laquelle j'avais (sur ordre), allégé le cargo. Le Lt
Fitoussi leur aurait fait savoir que c'était lui qui
m'avait demandé de scier les câbles... |
Je ne peux toutefois garantir l'authenticité
de cet épisode... Car beaucoup de bruits couraient dans les
hangars." |
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"Un revenant"... six ans ont
passé...
Exercice de treuillage avec le H-34 A c/n
561
DL (SA 16) - 1966 |
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Photographies couleur :
Hangar de La Réghaïa : G. Finaltéri (AHA)
Démantèlement : Henri Soula
(AHA) ... mais comme il fallait bien qu'il assume son
boulot de mécano, le hasard a permis qu'un adjudant des harkis,
passant avec son groupe, joue à l'opérateur...
Photographie avant crash : J. R.
Moreau (AHA)
Photographies après crash :
1 - Jean
Pellereau (AHA) opérateur inconnu...
2 - Raymond Roux - opérateur inconnu...
Photographie harka : G. Finaltéri (AHA) opérateur inconnu...
Photographie "revenant" :
J. L. Gaynecoetche opérateur inconnu... (extrait du livre
"Le Sikorsky S-58 en France" de D. Roosens , Le
Trait d'Union).
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