Avec le SA 73 au
TCHAD
En 1966, depuis que le Front de
Libération du Tchad s’est associé à l’Union Nationale
Tchadienne en créant le FROLINAT, des maquis s’implantent
dans le Guéra, le BET -Borkou-Ennedi-Tibesti-,
ponctuellement en 1968 pour y revenir en 1969. Les combats
s’intensifient dans le nord du pays.
En 1970 d’importantes troupes françaises soutiennent l’armée
tchadienne et sont totalement impliquées dans le conflit.
En 1971, face aux nombreuses embuscades qui affectent le
nord du pays, des moyens aériens importants sont déployés :
Skyraider AD4 à Faya Largeau et hélicoptères du détachement
de Mongo à Bardaï. Ces derniers sont associés aux HSS de la
Marine française convoyés depuis Fort-Lamy et venus en
soutien des moyens héliportés Air. Ces derniers opèrent
depuis Faya Largeau.
En ce début d’année, l’activité aérienne est importante avec
de nombreuses interventions à la frontière libyenne, dans la
bande d’Aozou puis dans sa partie désertique, la région de
Gezenti. |
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Du 24 février au 3 mars
1971…
Un flight de quatre appareils est déployé à Yebbi Bou. De
cette mission dans le Nord du pays, les équipages en
garderont un souvenir mémorable avec notamment le découché
sur lits Picot « par nuits assez voire très fraîches »,
repas à partir de rations de guerre mais aussi le plaisir de
déguster un café turc préparé par un de nos mécaniciens qui
a fait le challenge de le réaliser avec « les moyens du
bord » !
Peut-être un mot sur ce qu’est la piste d’atterrissage de
Yebbi Bou ; piste de brousse où sont stationnés les
appareils. En effet, le revêtement de la piste n’a rien de
commun avec celui de Bardaï, de Zouar et de Faya. Aire sans
végétation qui n’est en réalité que de la terre réduite en
poussière à texture très fine qui ressemble vraiment à du
talc. Lorsque la poussière se soulève lors du mouvement d’un
appareil, elle reste en suspension et stagne de longues
minutes obligeant les équipages à une extrême prudence au
décollage ou à l’atterrissage.
C’est précisément lors de cette mission que cette maudite
poussière aura raison de mon appareil photo rendu
inutilisable avec son objectif « talqué » !
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Le 20 mars 1971:
Lors d’un héliportage à Aderké sur le
H.34 n° 73, je ressens en vol des vibrations anormales qui
m’inquiètent. Une fois posé, les mécaniciens effectuent une
visite approfondie de la tête rotor et constatent des jeux
anormaux sur certains axes du moyeu. Dès lors, la décision
est prise de changer l’ensemble de la tête rotor. Mission en
peu délicate si on considère les moyens qu’il faut mettre en
œuvre pour assurer ce changement.
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Une solution est proposée ; pouvoir
accrocher « un palan » à une branche d’arbre située
à une hauteur supérieure d’au moins un mètre à celle
de la tête rotor du H.34. Cet arbre existe dans le
cantonnement, et il peut faire l’affaire.
Le Germas de Fort Lamy tenu au courant de la
possibilité de cette intervention et de la capacité
à la réaliser fait acheminer dès le lendemain un
palan avec un nouveau moyeu-rotor à Bardaï par un
N.2501.
Dès l’arrivée du matériel, l’appareil est positionné
sous l’arbre en question. L’intervention se déroule
sans difficulté grâce à la grande compétence des
mécaniciens du détachement et avec le soutien visuel
des villageois curieux de voir se réaliser une
manutention très particulière ; à leurs yeux, un
vrai prodige !
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Le 25 mars 1971:
Après le vol
de contrôle tout à fait satisfaisant, je déclare l’appareil
disponible. On verra un peu plus loin que ce même H.34 n°73
n’en avait pas fini avec ses mésaventures.
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Pellereau,
Hugard,
Colonna, Pujol, Gau,
Lafargue,
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De Somow,
Le Lan, Morvan,
Eloy, Nestier,
Abert
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Le 27 mars 1971:
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Au retour d’un héliportage de commandos
du 6ème RIOM dans la région de Bardaï, l’équipage Le Lan
- Lafargue annonce au leader qu’il se pose en
autorotation complète après une panne moteur. Après un poser
parfaitement réussi dans une zone hostile, le leader fait
poser le reste du flight pour récupérer les commandos de
l’hélicoptère en panne et les transporter vers leur base.
Les autorités tenues au courant mettent un dispositif de
sécurité pour protéger l’environnement de l’hélico pendant
toute la durée du dépannage.
Au cours de deux jours suivants, les hélicos du détachement
effectueront des allers et retour sur place pour transporter
l’équipe de dépannage, les matériels nécessaires au
changement moteur et assurer la relève des personnels sur
place.
C’est le 30 mars que l’équipage
ramènera l’appareil à Bardaï. |
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Le 1er avril 1971:
Les autorités annoncent la fin de la
mission pour les hélicos. L’opération « démontage » peut
donc commencer pour le détachement. Dès que l’annonce du
retour vers Mongo est communiquée, c’est l’effervescence au
sein du groupe « air ». Le décollage est prévu pour le
lendemain.
Briefing de Pierre Levrot, leader du flight, et
préparation des ordres de vol afin de répartir les
personnels du détam-air ; chacun se chargeant de son
équipement personnel ; lit picot, sac de couchage,
moustiquaire, effets personnels, sans oublier les frigos de
campagne et autres matériels utilisés pendant le séjour !
Chaque équipage reste avec son appareil pour la descente
vers Mongo via Zouar et Faya Largeau. Sur le H.34 n°73, je
suis avec Michel Eloy copilote, Jean-Luc Hugard,
mécanicien navigant, Garnier ainsi que deux autres
mécaniciens sol dont j’ai malheureusement perdu le nom.
Avec la répartition des personnels et des matériels, nous
sommes tous conscients que les appareils sont très
lourdement chargés.
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Hugard,
Pellereau, Lafargue |
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Le 2 avril 1971:
Lors du briefing avant décollage,
Pierre nous informe que nous suivrons la piste en
direction de Zouar, l’itinéraire passant à proximité du Trou
au Natron. Nous franchirons ainsi les pentes de cet ancien
volcan éteint, son sommet culminant à 2500 mètres.
Avant l’envol, Pierre conscient du chargement de
chaque appareil demande aux commandants de bord de lui
communiquer la puissance affichée pour tenir le
stationnaire. A tour de rôle chacun donne la pression
d’admission nécessaire pour tenir le stationnaire ! Les
chiffres sont éloquents et pour ce qui me concerne, je me
borne à répondre : « vingt
centimètres » ! Oh, que l’hélico est lourd !
Puis c’est le décollage du leader.
Quand vient notre tour, Michel Eloy aux commandes de
l’appareil effectue un brillant décollage roulé qui permet
un envol en douceur en ménageant un peu le moteur Wright.
L’ensemble des appareils commencent à prendre de l’altitude
pour gravir le versant qui mène au sommet du massif. Nous
sommes à la verticale de la piste et mettons le cap en
direction du Pic Toussidé (3200 mètres)
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A l’approche du Trou au Natron, nous
découvrons maintenant son immense cratère de 6 kilomètres de
diamètre et tout au fond du trou, à 1000 mètres en dessous,
sa caldera tapissée de cristallin de carbonate de sodium -
(le fameux natron).
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Alors que nous allons atteindre
son sommet et avant de commencer la descente vers
Zouar, le leader nous demande sur la fréquence si « tout
se passe bien » ; silence sur la fréquence !
En guise de réponse au leader, Joël de Somow,
autre pilote du flight, demande en plaisantant, si
un équipage serait volontaire pour survoler le Trou
au Natron. Je me souviens avoir entendu sur la
fréquence : pas de blague !
A ce moment du vol, la puissance qu’affiche mon
copilote pour maintenir le vol avec un « vario »
positif est anormalement élevée ! Mais ensemble,
nous pensons que cette puissance diminuera
inévitablement lorsque nous descendrons l’autre
versant du massif, vers Zouar…dans quelques
minutes…dans quelques secondes même, alors un peu de
patience…
Alors que les autres équipages profitent du site
magnifique, un peu lunaire qui s’ouvre devant eux,
Michel et moi sommes plus attentionnés par le
moteur qui nous inquiète un peu…Tout en commentant
les paramètres, nous ressentons intimement que le
moteur du H.34 souffre. |
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C’est alors que je ressens quelque chose de
particulier, presque un peu intime vis-à-vis de
« mon H 34 ». Mes pensées s’évadent un peu comme un
cavalier vis-à-vis de sa monture avant un saut
d’obstacles ! mais que puis-je faire pour soulager
sa souffrance ? Aurais-je un pressentiment funeste ?
Depuis le début de ce « détam », cela fait donc plus
de deux semaines, nous volons ensemble
quotidiennement et je me sens à l’aise à ses
commandes ; nous nous connaissons bien ! et puis
dernièrement, n’avons-nous pas améliorer sa voilure
en changeant sa tête rotor ; maintenant il vole
bien. Pour quelles raisons son moteur nous
trahirait aujourd’hui ? Il fonctionnait si bien
hier !
Je décide alors de reprendre les commandes à
Michel. Ce faisant, peut-être ai-je l’idée, en
connaissant bien l’appareil de pouvoir mieux le
soulager en appréhendant mieux ses souffrances !
En réalité, je suis inquiet et je pense que
Michel Eloy partage le même sentiment. Le moteur
n’en peut plus et n’en veut plus et c’est en guise
de réponse et confirmant ce que je pressentais,
qu’après avoir « hoqueté » une fois et fait un
claquement de fin de vie que le moteur de notre H.34
rend l’âme brutalement ! Le moteur s’est tu et
maintenant c’est un silence assourdissant qui
envahit toute la cabine. Fini le ronron du Wright…
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Nous sommes à la verticale de la piste,
juste par le travers du Trou au Natron. Instantanément, je
baisse le collectif et passe en autorotation en me dirigeant
vers la piste qui sera le lieu du posé que j’ai choisi.
Michel annonce au flight : « Panne
moteur et autorotation » !
Lors de la descente, avec l’appareil en surcharge et à
l’altitude élevée, les tours-rotor s’emballent ; Michel
me le fait remarquer ce que je corrige instantanément en
le remerciant.
Descente et posé sur la piste chamelière.
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Une fois au sol, procédure habituelle
d’arrêt, nous sortons tous de l’appareil pour constater une
fuite d’huile importante sous le moteur. |
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Pierre Levrot responsable du
dispositif, encore en contact par radio avec Bardaï, signale
l’incident et la zone du posé de l’appareil. Conscient que
la région est en zone hostile, il demande qu’un dispositif
important du RIOM soit mis en place rapidement pour la
protection de l’appareil et de ses membres d’équipage. Par
ailleurs, il donne l’ordre au reste du flight de poursuivre
vers Zouar.
C’est une jeep venant de Bardaï avec cinq commandos de
l’armée de terre qui arrive une heure environ après le posé
de l’appareil. Son responsable précise que sa section sera
suivie d’un détachement plus important qui arrivera en début
d’après-midi.
Par la radio de bord, Pierre nous
confirme qu’un détachement plus important de l’armée de
terre partira pour le Trou au Natron et qu’il arrivera dans
quelques heures.
Une fois assuré que la mise en place du dispositif de
sécurité est lancée depuis Bardaï, Pierre poursuit
son vol vers Zouar et nous précise qu’il reviendra sur place
pour nous récupérer dans quelques heures.
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En réalité, l’armée de terre
enverra six véhicules transport de troupe et leurs
équipages et se chargera de la protection de tout
l’environnement de l’hélico pendant toute la durée
du dépannage.
Quelques heures après notre posé et parfaitement
assuré de notre protection, l’ensemble de l’équipage
put enfin se détendre en allant voir le cratère de
plus près et à Michel de réaliser un magnifique
reportage photos.
Dès l’après-midi, Pierre Levrot revint sur
place pour ramener l’ensemble de l’équipage vers
Zouar pour que celui-ci y prenne un peu de repos en
se remémorant la surprenante histoire vécue.
Dès le 3 avril, une équipe fut transportée par
camions au Trou Au Natron avec un nouveau moteur et
l’ensemble des supports techniques et matériels
nécessaires pour l’enlèvement et la repose d’un
nouveau moteur.
Tout fut réalisé en moins de 48
heures.
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Le 4 avril 1971:
Le responsable de l’équipe technique
informait Pierre que l’appareil serait prêt dans le
courant de la matinée.
Je me souviens avoir demandé à Pierre Levrot d’aller
rechercher mon appareil ce qu’il accepta sans réserve. C’est
Jean Lafargue qui nous emmena sur place le même jour.
A notre arrivée, le nouveau moteur était remonté, les
mécaniciens en finalisaient les derniers réglages.
En fin de matinée, toutes les vérifications ayant été
faites, je décollais non sans un petit pincement au cœur. Je
retrouvais mon H.34.
Le vol s’étant déroulé sans réserve, je déclarais l’appareil
disponible pour poursuivre sa mission.
Une partie des personnels ayant assuré le dépannage est
répartie dans les deux H.34. Supports et matériels sont
chargés dans les camions et retournent à Zouar.
Le détachement de l’armée de terre regagne Bardaï après que
de vifs remerciements furent adressés au responsable du
détachement pour la mission de sécurisation de l’équipe de
dépannage.
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A l’arrivée à Zouar, c’est le commandant Debat,
commandant en second le GMT 59, qui nous accueille. Venu de
Fort Lamy en N.2501 avec la relève d’une partie des
personnels hélicos, il souhaite féliciter l’ensemble des
personnels pour les évènements des derniers jours.
Puis s’adressant à moi, il m’informe que je rentrerai avec
lui sur Fort Lamy en N.2501 le soir même. En effet, il
m’apprend que mon séjour au Tchad est terminé. Il a appris
que je suis programmé pour rentrer en métropole dans les
prochains jours et que compte tenu de l’activité aérienne du
détachement, il était plus raisonnable de prendre quelques
jours de repos avant de rentrer en métropole !
Ma mission s’arrêtait ce jour- là, à
Zouar. Je ne retournerais pas à Mongo.
Le lendemain, l’ensemble des hélicos regroupés à Zouar
décollaient pour rejoindre Mongo et avec eux « mon H.34 -
73 ».
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Commentaires Jean Pellereau
Photographies Michel Eloy |
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