Le H 34, plus
puissant que le H 19,
va permettre au colonel Félix Brunet, aidé de son chef mécanicien
le lieutenant Émile Martin, d’aller au bout de son idée.
Émile Martin, absent pour raison de stage,
avait suivi de loin l’aventure du H19 armé. Le H34 n° 002 arrive à
l’EH 2 d’Oran le 9 avril 1957 en provenance du CEV Sud Aviation. Il
sert de banc d’essai. Il n’y a pas de matériel. « "Crassou
leader", débrouille-toi » dit le colonel Brunet
au leader mécanicien. Émile Martin
emprunte trois mitrailleuses « Browning »
calibre 50 en court de réforme, à l’escadre de Chasse, pour être
montées aux fenêtres : deux à bâbord, une à tribord. On
cherche un canon. L’État-major à Alger interdit aux deux hommes
l’accès des armureries susceptibles de fournir du matériel pour leur
dessein. Émile Martin
trouve chez les marins de Mers el Kébir un canon allemand : le MG
151 dont l’effort de recul est moindre que d’autres armes équivalentes
(700kg contre 1400kg). Pour les supports et affûts,
pas de tôles… Une ancienne citerne à carburant allemande fait
l’affaire. Découpée, l’enveloppe est aplatie avec un rouleau
compresseur. Félix vient
chercher Mimile très tôt le matin avec sa voiture pour gagner
du temps. «"Crassous", l’avenir
appartient à ceux qui se lèvent tôt, dit Félix dans la
voiture. -
Je n’ai pas de souci de propriété, lui réplique Mimile,
encore endormi » Résultat : une
claque, amicale certes, mais claque quand même. Un ensemble de six
bazookas est installé côté droit. Un deuxième essaim de quatre LRAC
pivotant et rechargeable en vol est ajouté. Côté gauche, on avionne
un panier de douze roquettes et six bazookas. L’armée de Terre prête
son concours. Début juillet 1957,
devant le général Jouhaud et autres autorités venues de
l’ALAT, de l’Aéronavale, correspondants Sikorsky et Sud Aviation
réunie par le colonel Brunet, le H34 armé est présenté
en vol par le capitaine Pierre Marraud commandant de l’EHL
2/58, sur le champ de tir de la Sebkha d’Oran à Sidi Messoud. Le lendemain, Félix
Brunet reçoit un papier officiel. Il le montre à Émile
Martin: «"Crassous", regarde la récompense »
: 60 jours d’arrêt de rigueur pour lui et 20 pour Émile Martin.
Le Général Jouhaud somme le colonel Brunet
de rendre cet appareil à sa
mission : le transport. Le commandant Sagot, plein de
diplomatie, calme les deux hommes. Il est le garde fou. Le Colonel Brunet
monte à l’État-major à Alger et défend son projet. Il convainc. Il
obtient le feu vert du Général Jouhaud. L’hélicoptère
armé voit le jour officiellement et, accessoirement, la sanction
n’est pas suivie d’effets. Le 1er
novembre 1957, le « Mammouth » reçoit un impact lors de sa
première mission. À Timimoun (Boukrelala),
le N° 002 se pose en urgence suite à une défaillance du moteur. Après
l’échange de celui-ci, le nouveau moteur grippe au cours du vol
d’essai. Le H 34 est accidenté le 14 décembre et réformé à 234
heures de fonctionnement. Le sergent Delenne, mécanicien
navigant, décède dans l’accident. Le N° 447, pris en
compte le 23 avril 1957, est armé avec les éléments récupérés sur
l’hélicoptère crashé. Baptisé « sergent-chef Delenne »,
il est disponible au début février 1958. Du 1er avril
au 29 octobre 1958, un seul H34 est armé, à l’EH2 en Algérie
(Oran). L’armée de l’Air décide
de doter ses deux escadres de H 34 armés. Félix Brunet
expérimente d’autres possibilités au niveau des LRAC et d’un
lance-bombe Alkan. Les ingénieurs de Sud
Aviation tempêtent. On ne garde que les armes de sabord. Outre le blindage, on présente
quatre versions : -
trois mitrailleuses 12,7mm et un canon de 20mm MG.151 sur affût,
- trois mitrailleuses 12,7 mm et deux de
12,7 mm jumelées sur affût, -
trois 12,7 mm et un montage de trois 7,5 mm sur affût,
- Deux 12,7 mm, une 7,5 mm et le canon sur affût porte droite. La première version est
choisie. Le canon de 20 mm MG
151, alimenté par bande, tire à une cadence de 700 coups/min et une
portée efficace de 1500 à 2000 m. Il pèse 42 kg. Des défaillances du
canon de l’arme sont notées, mais il peut être changé en vol L’affût du canon est
monté sur un « pot de fleurs » renversé lequel est fixé
sur une platine fixée sur le plancher du cargo. Le tout pèse quelques
200kg. La mitrailleuse
Browning, calibre 12,7 mm, alimentée par bande, tire 1200 coups/min
efficaces de 1200 à 1500 m. Elle pèse 28 kg. La technique en vol
consiste à localiser l’objectif, le différencier des troupes amies
et, sur ordre du commandant de bord, chef de tir, de maintenir sous le
feu l’ennemi avec les armes de tribord (canon et mitrailleuse), faire
un renversement et un second passage avec les mitrailleuses de bâbord
pendant que le 3ème tireur recharge, désenraye ou change le
canon de l’arme à tribord. Félix Brunet
fait installer un rétroviseur à ses pieds pour contrôler la vigilance
des hommes dans le cargo durant les vols de transit. Heureusement, en vol, le
gilet pare-balle l’empêche de descendre dans la soute pour corriger
ces hommes d’équipage. Ces protections coincent les pilotes dans leur
pigeonnier. Il est pratiquement impossible de venir se soulager dans le
cargo, si ce n’est l’entonnoir que le mécanicien passe en vol...
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