Vu à la Tontouta en 2022

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sauvetage dans les "Marmites" de la Dumbéa

 

 

" Il fallait à tout prix sortir vivant de la vallée "

Ils n’arrivaient pas à chasser de leurs esprits le souvenir de cette fillette. Engagés trop tard, ils n'avaient rien pu faire pour sauver ce bébé de trois ans, il y a une semaine, retrouvé mort noyé dans un véhicule emporté par les eaux, à Voh.

Mercredi 5 janvier au soir, l'escadron de transport 52 des Forces armées de Nouvelle-Calédonie (Fanc) a accompli un acte héroïque.
Seuls, les militaires n'auraient rien pu faire et l'organisation an cordeau avec Ia Sécurité civile et les pompiers de Dumbéa a permis de ne déplorer aucune perte humaine. Le déluge qui s’est abattu sur le pays a piégé un groupe de quatorze randonneurs (trois adultes et onze enfants) sur la promenade des Marmites, dans la vallée de Dumbéa. Avant que la nuit tombe, sept mineurs avaient pu. être secourus par la Sécurité civile. Mais la montée inexorable de la rivière a contraint les autorités à appeler à la rescousse les Forces armées.


L'équipe d’alerte de l'escadron de transport est engagée. A 21h15. un hélicoptère Puma décolle de La Tontouta avec à son bord deux pilotes, dew: mécaniciens navigants et deux sauveteurs plongeurs. L'équipagc est expérimenté mais l'opération n’en est pas moins risquée : les conditions  météorologiques sont extrêmes, le plafond nuageux est au plus bas, la visibilité exécrable et les randonneurs en danger. Une course contre la montre s'engage mais il ne faut pas prendre de risques inconsidérés au risque du sur-accident.

 

" En temps normal, l’hélicoptère progresse d'environ dix kilomètres en trois à cinq minutes. Nous avons mis, mercredi soir, vingt et une minutes ", raconte l’un des pilotes, le commandant Jean-Baptiste qui dirige l'unité de transport.


En entrant dans la vallée, c'est un monde hostile auquel l'équipage doit faire face. Des murs d’eau s’écrasent sur le pare-brise panoramique de l'aéronef. Le trajet est éprouvant, "c'était un combat de tous les instants. Chacun doit tenir son rôle et met sa vie dans la main des autres".

I1 est 21h48 et l’hélicoptère se positionne en stationnaire à vingt cinq mètres au-dessus d'un premier groupe de cinq personnes (trois adultes et deux enfants). Ils sont au bord de la rivière "à flanc de falaise". Il n'est plus possible de revenir en arrière.
Harnachés à un filin, les sauveteurs plongeurs sont posés au sol. Chaque seconde compte.
 

Pendant qu'un militaire remonte avec une victime grâce an treuil, son camarade en équipe une autre pour ne pas perdre de temps. " j’ai alors un visuel permanent sur quatre pompiers (de la Sécurité civile spécialisés dans les interventions en eaux vives, NDLR) qui ont été déposés quelques heures plus tôt. Ils étaient sur un bout de terre au milieu de Ia rivière. Il fallait vite les secourir parce que l'eau montait à une vitesse impressionnante. La situation devenait dangereuse, ça pouvait être vite critique ", se souvient-il.
Trente-quatre minutes précisément plus tard, les neuf personnes sont récupérées saines et sauves. Les plus jeunes rescapés -1'un d'eux avait onze ans - sont en état de choc. Aux opérations délicates de de manœuvre de l’hélicoptère, il faut aussi rassurer les victimes.
A plusieurs dizaines dc kilomètres des Marmites, au quartier Alleyron à Nouméa, l'état-major interarmées est sans aucune nouvelle. Les communications avec La Tontouta par radio sont rompues à cause du relief. Le portable est interdit pendant la phase de treuillage.
 


Une difficulté se pose : les réserves de carburant du Puma s'amenuisant, les militaires ne peuvent pas prendre le risque de chercher les deux derniers randonneurs - des ados de 16 ans - coincés deux kilomètres plus loin.
Le commandant Jean-Baptiste prend la décision de quitter la zone car " j'ai estimé que mes réserves de fioul ne me permettaient pas de poursuivre la mission " et de déposer les neuf personnes au stade d’Auteuil où la Sécurité civile et les pompiers les attendaient. "Il fallait à tout prix sortir vivant de Ia vallée ", confie le militaire, et ce ne fut pas simple.


Dans les périodes les plus difficiles, les pilotes ont une visibilité de moins de 200 mètres sur plusieurs kilomètres, " ce qui est ridiculement bas en aéronautique ". En chemin, le contact est repris avec l'état-major. Un soulagement pour les équipes à Nouméa. Les hauts responsables militaires avaient anticipé et mis en alerte un second hélicoptère. Une décision cruciale car celui-ci traverse aussitôt le ciel poux rejoindre Ie stade d’Auteuil et ravitailler en carburant le premier Puma.
A 00h25, les 900 litres de carburant sont transférés entre les deux appareils. 00h35, Jean-Baptiste et son équipe redécollent : " les pompiers étaient en contact permanent avec les deux adolescents. On savait qu'ils étaient en bonne santé et que leurs vies n'étaient pas en danger immédiat ". Profitant d’une fenêtre météorologique un peu meilleure, il leur faut douze minutes pour rejoindre les jeunes prisonniers des eaux et six minutes supplémentaires pour les hélitreuiller.


Au lendemain dc cette opération hors-norme et "à risque" qui aura duré plus de sept heures, le sentiment du devoir accompli règne sur les équipes de secours. " On a été aux limites de ce qu'on pouvait faire. Nous n'aurions jamais pris ces risques si ce n'était pas pour sauver des vies ", jure le commandant Jean-Baptiste. De toute leur carrière de militaires, cette mission fut la plus dangereuse.
 

 

Reportage : Jean-Alexis Gallien-Lamarche des Nouvelles calédoniennes