Télergma

le 15 juillet 1956

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce 15 juillet 1956 -un dimanche-, nous rentrons de missions à cinq H-19 du GMH 057 sur Béni-Ourtilane et Oum-Toub

C'est ma dernière mission sur Sikorski H-19, étant muté sur Sikorski H-34 à Boufarik, notre base principale située à      300 kms à l'ouest de la BAO 211 de Télergma où nous sommes en détachement opérationnel.

Il me vient une idée, étant "Pilote leader" de la formation, je demande au Cne Bourdeau commandant le groupe, si nous ne devrions pas marquer le coup du 14 juillet en faisant un passage en formation serrée, étant d'accord il me demande d'appeler la tour pour autorisation.

Feu vert de la tour.

Je demande au Sgt Chaussin et au S/L Beucler de se placer à ma gauche et au Ltt Saliou et Sgt Leverrier à ma droite.

Nous faisons un passage en "canard" à 300 pieds et après un large virage à 180° je les fais se placer en "échelon refusé à gauche" pour faire le "break" à droite et nous poser.

Tout se passe bien et au moment ou je vais ordonner le break, un choc, des vibrations et la fenêtre gauche qui vole en éclats. Le Cne Bourdeau regarde en arrière et après un juron dit:

"Il y en a deux qui se cassent la gueule! Ma carrière est fichue"

Le n°947 accroche le n°175...
Je me pose droit devant avec de fortes vibrations au manche et au palonnier, je coupe tout et saute à terre. Le n°175 de Chaussin s'est écrasé à côté de la tour de contrôle et le n°947 de Beucler qui avait accroché Chaussin avec son rotor, est tombé sur le hangar où le prêtre disait sa messe dominicale.
Le moteur du 947 tourne au ralenti et je vois les deux pilotes Beucler et Pion qui pendent à leur harnais, la poitrine écrasée par une poutre du hangar
                                                                                           Christian Brignaud (n°175)                  Leverrier (n°181)

Briot le mécanicien est tombé sur l'autel du prêtre et s'est sauvé dans le camp, complètement déboussolé.

Saliou et Leverrier ont dégagé juste à temps afin d'éviter une collision en chaîne. Nous étions à vide, il n'y a eu "que" deux morts,

Chaussin et son équipage n'ont rien eu...

Ce jour là, j'ai fais faire la dernière patrouille serrée sur hélico. Le reste de ma vie je me dirai que si je n'avais pas eu cette idée là, ces deux garçons seraient peut-être encore en vie.
Nous étions tous des pilotes d'avions et habitués à faire du vol serré en formation...

Photographies de Pierre Dessauny et illustrations de Gérard Finaltéri